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mercredi 17 juillet 2024

Valkyrie

 Valkyrie





J'ai eu la chance d'assister à une interview d'Ava Baya , j'espérais en savoir davantage sur ce mystérieux objet théatral fort attendu. Attendu de par la célébrité montante d'Ava Baya, comédienne, chanteuse mais aussi par son sujet. Je n'ai pu m'enpêcher d'imaginer que je me trouvais en présence d'une version off du projet subversif de Rebecca Chaillon qui avait fait scandale l'année dernière.

Mais Ava Baya a laissé planner le mystère et elle a bien fait.

En effet, à mots couverts, on prédisait dans le programme que les amazones allaient envahir le public pour fêter l'avènement d'un possible matriarcat.

Féministe, bien sûr que ce spectacle est féministe. Mais c'est davantage un féminisme d'affirmation et d'approfondissement individuel qu'un féminisme de combat qui se cherche un ennemi. Voilà déjà une belle surprise. Non que la cause ne mérite pas le combat, au contraire, mais nous voilà revenus au théâtre, et non sur un ring.

Donc malgré tout le respect que je dois à Rébecca Chaillon et son théâtre de l'affrontement, j'avoue que le choix opéré par Ava Baya et Pierre Pfauwadel m'a séduite. Le festival off va sur sa fin, donc vous verrez ce spectacle ailleurs en tous cas je vous le souhaite, car le propos, complexe, franc du collier, mélant uchronie (retours sur la Grèce antique) et présent , amène la question du comment être une vraie féministe en restant soi-même avec une auto-dérision audacieuse.

Chacune des commédiennes représente non seulement un aspect de la guerrière amazonne mais aussi un aspect de la femme contemporaine et de ses contradictions. Qui plus est, chacune est jouée par une actrice qui développe ses talents propres. Le fil rouge est la quête de soi. Chacune a son moment seule face à nous, dégagée du "groupe" qui part se chamailler "à côté", elle se confie par choix ou par accident.

Et cela fait évoluer la vision première que nous avons eu en entrant de plein pied dans une sorte de rituel payen mené comme un plan d'attaque contre les hommes.

On comprendra peu à peu que ce plan d'attaque est complexe car il s'agit d'attaquer Hyppolite -oui, celui-la même, celui qui dénonça Phèdre- qui est le fils de la Reine des amazonnes. Qui plus est, enceinte, l'une des guerrière se demande si elle ira ou non vivre avec les hommes si son enfant est un garçon. Voilà posée la vulnérabilité liée à l'enfantement charnel. Cela deviendra-t-il une force ?

Après nombre de scènes qui nous arrachent des larmes de rire et beaucoup de tendresse pour les diverses stratégies de ces filles "comme les autres" qui sont aussi "des amazones, des guerrières", nous reviendrons au mythe et nombre de questionnements seront résolus mais bien sûr, les meilleurs spectacles sont ceux qui mêlent résolution et questionnements nouveaux. Lépée est désormais entre vos mains.

J'ai beaucoup aimé la scénographie à deux voix réalisée en complicité par Pierre Pfauwadel et Ava Baya, dans cet opus qui tient en équilibre entre la tragédie grecques et la tragicomédie contemporaine. La lumière est travaillée sans ostentation mais avec finesse et l'idée de la moto-jument-cyclope, enjeu d'émancipation pour l'une, de séduction pour l'autre est une très belle idée qui coud merveilleusement ce mélange entre l'antiquité et le monde hypercarboné, saturé d'électricité. D'autant qu'Hypolite finira sa course en char....La musique est aussi un atout certain, qui participe de l'homogénité de ce chaos centrifuge tout en amenant un certain paganisme pop dans la dimension où le réel affleure.

J'ajouterai que la distribution est un régal -vraiment- et je cesse là mon enthousiasme, allez voir ce spectacle !

Adeline Avril

Vu au théatre transversal


Acteur·rices : 
Ava Baya, Guillermina Celedon, Sasoux Dosso, Laura Facelina, Mélissa Polonie, Hélène Rimenaid
Metteur·se en scène : Pierre Pfauwadel

La Compagnie LENCRE est une compagnie théâtrale basée à La Rochelle et menée par trois artistes émergents.

mardi 25 juin 2024

Electre au 21ème siècle

 ATTENTION REPRISE DU COUP DE COEUR OFF 2023


HEUREUX LES ORPHELINS







Que vous soyez férus de mythologie ou bien de théâtre, ou bien que votre scolarité vous ait laissé “de beaux restes”, il est possible que l’histoire d’Electre et de son frère Oreste éveillent quelques souvenirs en vous.

C’est bien à ces deux là que nous avons affaire dans cette pièce, librement adaptée de Giraudoux, qui avait lui même déjà librement adapté le mythe originel. 


Mais il est inutile de réviser avant de venir voir le spectacle, qui vaut par lui même et vous tient en haleine d’un bout à l’autre!


Ainsi, au Royaume d’Argos, transformé en haut lieu de la gastronomie dont le chef et roi s’est donné la mort, nous retrouvons Clytemnestre et ses enfants , à savoir Electre l’affamée de justice et de vengeance et Oreste, son frère qui tente de continuer sa vie dans la politique, grâce aux petits arrangements du language dont il est devenu un expert auprès d’un ministre qui vous rappellera bien des hommes politiques de notre temps. Il est aussi torturé qu’Hamlet et sommé par Electre de venger son père.


L’adaptation proposée par Sébastien Bizeau est d’autant plus intéressante, que ce ne sont pas des détails qui sont actualisés mais les armes mêmes du combat. Quant à la forme, quoi de mieux pour une histoire de vengeance qu’un thriller philosophique? Pour autant, le texte de Giraudoux est adapté mais extrêmement respectueusement transmis, parfois à la lettre près.


Pourquoi la jeune Electre hait sa mère à ce point? Pourquoi ceci est-il une histoire de vengeance, alors qu’il n’y a pas d'ambiguïté sur les raisons du décès du père adoré (Agamemnon pour les intimes….)? S’il n’y a pas d’épée tranchante, comment la vengeance aura-t-elle lieu?

Comme souvent dans les meilleures enquêtes, on s'aperçoit après coup que tous les éléments se sont mis en place dès le début…Alors ouvrez l'œil et ouvrez les oreilles!


Les personnages , gravés dans l’inconscient collectif du théâtre pourraient sembler difficilement compatibles avec notre ère connectée, où les comptes se règlent sur twitter par shitstorm interposée… C’est toute l’intelligence du texte, de sa mise en scène et de son interprétation: les petits arrangements avec les morts et avec les vérités , les histoires familiales révisées, la tromperie, la jalousie, …..Franchement, peut-on dire des passions tristes et de la course au pouvoir que notre soi-disant progrès les a atténués?

L’auteur nous rappelle avec art que les mots sont si puissants qu’ils peuvent à la fois enfanter et tuer. Il y a de purs morceaux d’anthologie dans cette pièce, quand s’entremêle le jargon managérial et la communication politique. On en rit surtout parce que c’est “tellement vrai”, proche de nous, et tellement bien interprété, et pourtant, on pourrait à l’instar d’Electre, le dénoncer quitte à créer le chaos.


Chaque personnage porte sa vérité recomposée, son langage, selon son positionnement sur l’échiquier. Pas un noir, pas un temps mort, et des trouvailles scéniques qui vous arrachent tantôt des larmes tantôt un rire inattendu (voir notamment les personnages du cousin Pilade et ses avatars, en cœur antique un peu particulier, ou celui du ministre, pour lequel Oreste écrit des discours avec son cousin, que l’on sent bien proche du besoin de révélation de la belle Electre.


Le décor est d'une sobriété salutaire, mettant en avant les enjeux, les personnalités, le jeu des comédiens qui irradient littéralement cette histoire et en même temps la font chair et vérité avec et au-delà du verbe. Les quelques objets qui servent la scénographie ont trait à la communication et l’éclairage, autour d’un dispositif de salle d’attente nomade.


Un autre gros atout du spectacle, c’est sa distribution. Oreste et Electre, héros de cette machine infernale en marche, frère et sœur le plus souvent en communication par téléphones interposés, sont incarnés par deux comédiens lumineux et ombrageux à la fois. Electre est servie par l'énergie revendicatrice et habitée par la vengeance de Maou Tulissi , dont le visage pré raphaélique contraste avec la brutalité incandescente du personnage, et à laquelle s’oppose le jeu à la fois sobre et habité de Mathieu Le Goaster qui joue un Oreste  torturé et fidèle à sa sœur sans parvenir tout à fait à hair une mère imparfaite. Un Oreste qui est aussi le maître du jeu car il est le maitre des mots. Sensible dans l’intimité de la famille, presque cynique en situation de travail auprès d’un ministre burlesque, il est le fil de l’histoire et le bras vengeur, l’artisan du dernier événement, que je ne veux pas dévoiler ici.

Cette mère, Clytemnestre, est jouée par Cindy Spath, qui donne à la figure mythique de la mère indigne une épaisseur complexe, sensuelle et troublante, presque aimable. Faut-il la condamner? S’est-elle condamnée elle même? Bien que la pièce nous apprenne rapidement sa maladie puis son coma, lorsque son fantôme revient plaider sa cause auprès d’Oreste et d’Electre, l’incarnation de la comédienne nous met dans un nécessaire inconfort, car là encore c’est bien de langage qu’il s’agit. Jusqu’où peut-on aller, jusqu’où est-elle allée? A-t-elle joué, vraiment, un rôle dans le suicide de son époux? Avoir un amant est-il vraiment une vilenie méritant punition?


Les autres personnages sont interprétés par deux comédiens véritablement déjantés: Emmanuel Gaury  incarne en effet, tour à tour, dans un vent de folie, Egisthe (amant de Clytemnestre, coupable présumé de la mort du père- Agamemnon, toujours- le Ministre dont Oreste conduit la communication, le médecin qui annonce les mauvaises nouvelles de la santé de Clytemnestre à l'hôpital (les mots, toujours les mots), le prêtre de l’hôpital ….


De même pour le comédien Paul Martin, qui joue le tendre Pilade, cousin de la famille fort proche d’Electre, plaidant pour une parole plus vraie auprès d’Oreste quand il s’agit de repenser les discours du ministre, notamment au sujet du glyphosate (et oui!). Ce n’est pas son seul talent, mais puis-je dévoiler qu’une des scènes les plus folles lui revient, et qu’il pousse ma foi plutôt bien la chansonnette? Tour à tour psychologue lacanien, barman cosmique, porteur de  lumière, attaché parlementaire?… Il est époustouflant.


Bref, cette pièce est un véritable coup de cœur, que vous devez absolument venir voir cet été au théâtre de l’Oriflamme! 



Tous les jours à 16h45 (relâche les mardis)

Théâtre des Gémeaux


Texte et mise en scène Sébastien Bizeau

Avec Cindy Spath, Maou Tulissi, Paul Martin, Emmanuel Gaury, Matthieu Le Goaster,

Lumières et vidéo: Thomas Nimsgern

Costumes : Claire Bigot

Attachée de presse : Dominique Lhotte


Crédit photo : Cie Hors du temps



lundi 17 juin 2024

Rallumer les lucioles

Rallumer les lucioles

Vu au théâtre de l'Optimist




Un ami, c'est quelqu'un qui te connait mais qui t'aime quand même !

Quand on a une enfance hors norme, on grandit comme on peut, on s'arrange avec la réalité et on s'édifie un peu de guingois.

Ce seul en scène nous raconte comment on se débrouille, comment on fait avec une drôle de vie, avec un papa désœuvré qui aime la boutanche, la télévision, mais plus tellement la vraie vie et une maman qui est très belle même en camisole de force ?

A force d'humour, d'imagination et de tendresse, d'efforts pour devenir "normale" et même "super normale", "la plus normale", alors qu'on ne sait pas trop ce que c'est, en fait ,"normale", on arrive à faire semblant. Très bien. Et on y croit jusqu'à ce que ça pète ! Il faut beaucoup d'aller-retours pour devenir vraiment soi et accepter ses fêlures. Il faut avoir le sens du détail et du combat pour finir par s'aimer.

En regardant le spectacle, on se laisse gagner par cette façon qu'a le personnage de ne pas se laisser abîmer par le réel et on profite de toutes ses petites astuces pour rallumer les lucioles avec Sandra Fabbri qui réveille en nous la capacité d'imagination que tout adulte se sent obligé de mettre en veilleuse.

On se rappelle que les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel !


Texte et interprétation : Sandra FABBRI

Mise en Scène : Bruno BANON

Théâtre L'Optimist








dimanche 2 juin 2024

Sympathy for La vieille Ville


 Toujours en direct d'Avignon, terre de culture et de bouffe, ville médiévale et minuscule terreau des névroses occidentales (et autres) en tous genres.

Avançant en âge, je me prépare doucement à faire partie de la silver economy, cette branche incertaine et floue allant du slip anti-fuites aux couches pour adultes, des traitements naturels contre les effets secondaires de la ménopause aux diverses formes de la molécule connue sous le nom de viagra. Bref, du jeune vieux récemment baptisé Nold (jamais vieux mais plus jeune) par des marketers avisés au grabataire jovial, en passant par la Iris Apfeld du coin, la nouvelle Brigitte Bardot (plutôt Winona Ryder ou Béatrice Dalle pour nous) de l'ehpad ou l'intraitable retraité.e, autant que la pauvre vieille du futur, obligée de faire des ménages malgré son arthrose, ou de voyager pour fuir l'ennui et trouver un amant lisse et vigoureux dans des contrées qui ont faim... de passeport autant que de pain. Je n'aurai pas les moyen de faire installer un stana dans mon appartement de location, cela tombe bien, j'habite au rez-dechaussée.

Je suis du genre prévoyante. Normal, je suis atteinte d'un handicap physique peu visible depuis que j'ai quarante ans. Le nombre de marches, l'accès à la boite aux lettres, cela fait un moment que je me préoccupe de ce genre de détails. Et cela ne va pas s'arranger.

Chez les pré-seniors qui ont la chance d'avoir encore "la santé", et les séniors la compétition est rude. C'est à celui ou celle qui marche le plus vite en balade nordique avec deux batons de ski dans la garrigue. A celui qui a su garder une bonne mutuelle et fait tous les examens imposés pour éviter les catastrophes. A celui qui a de belles facettes d'un blanc éclairant la nuit.  Je ne gagnerai pas cette compétition là, les hôpitaux public ressemblent à des dispensaires d'autrefois, les maladies nosocomiales pullulent et régulent les dépenses de sécurité sociale. Mon frère, mon père, ma mère et nombre d'amis en ont fait les frais. Soleil vert est une hérésie. Qui mangerait du vieillard avarié ? 

On aurait de nouveaux problèmes de prion. Il vaut mieux manger des bébés et si ce n'était cette fichue silver économie, sans doute qu'au nom de la dignité humaine, on me terminerait avec plaisir "pour mon bien et ma dignité" avant que je devienne acariâtre et trop couteuse. Par chance le libéralisme débridé sait faire faire de l'argent au manque d'argent, qu'il s'agisse d'agios ou de biens d'absolue innécessité que nous consommerons pour rester sur le manège enchanteur de la société moderne selon l'esthétique existentielle de la walt disney Company. Dentiers jetables peu chers ? Perruques chic? Flouteurs dignes de la cape d'invisibilité de Harry potter, strip-tease pour les vieux ? Gigolos remboursés par certaines mutuelles, peut-être même la CMU? Faux seins jetables, reins d'appoint recyclables ? Tant qu'on est bon consommant on nous tolère. J'espère que de nouveaux antidouleurs apparaitrons sur le marché libre, des produits qui ne niquent pas le foie, ou bien une amnistie "drogue dure pour les seniors" ( un "contrat social" de type : à partir de 60 ans, mettez vous ce que vous voulez dans le nez, mais ne prenez plus le volant, par exemple).

Les défilés de mode avec des grabataires pousseront les papys et mamies à dépenser leurs maigres retraites en bling pour défiler. Des stickers "Rock is not dead" pour les déambulateurs, des ateliers "je décore mon fauteuil roulant et ma canne", des ateliers d'écriture "ma hanche mon avenir". Le tout sous LSD.

Lieu "bien-être" façon snozelen en plus psychédélique, partouzes récréatives "l'orgasme c'est la santé". Je suis sûre qu'il y a des tas de choses à inventer pour maintenir les seniors de demain (mes copines et moi) en simili-forme pour qu'ils et elles continuent de consommer du services payant et du loisir, autant que des fringues, du make-up, de la malbouffe, des assurances pour assurer les assurances. Des restaus "tout purée-tout compote". J'ai une tonne d'idées...

Etant comme je vous l'ai dit un parasite culturel, cette courbe qui m'amène vers l'inexorable décrépitude élégante des gens qui n'auront bientôt plus besoin de faire semblant d'avoir les cheveux blancs de façon naturelle représente un atout certain pour les engins de ma sorte. En effet, Avignon, terre de théatrogénie, est le paradis des vieux et vieilles diplômé.e.s. Les théâtres auraient déjà fermé sans les baby-boomers passionnés de culture et l'urgence de trouver rapidement un public de remplacement se fait sentir. Moi, quinqua, je suis une alternative, je représente la transition. Ce n'est une bonne nouvelle pour personne.....Je serai âgée de 70 ou 80 ans d'ici qu'une nouvelle fournée susceptible de s'installer sur des fauteuils en velours rouges ou des escaliers casse-dos et autres strapontins. Car si nos amis baby boomers ont il est vrai la peau dure, et c'est tant mieux, ne rêvons pas, à part quelques transhumanistes qui auront eu l'intuition de se transférer dans un disque dur à roulettes, à un moment ou un autre, il va falloir leur dire Adieu.

Pour l'instant il faut bien le dire, beaucoup sont fringants et plus actifs que moi, mais pour ce qui est d'un public jeune, j'ignore où le trouver. Les jeunes sont nombreux sur scène et dans les écoles d'art toutes disciplines confondues, c'est déjà ça, mais dans les salles, sur les fauteuils, malgré le pass culture, le meilleur moyen de les amener au spectacle c'est encore de les payer ou de les obliger en imposant via l'éducation nationale, des séances "scolaires". Est-ce que ça va suffire ?

Pour le In, je ne suis pas inquiète, y être vu est un marqueur social, c'est un peu le Courchevel sans neige, mais pour le off, c'est plus complexe. On y va de son plein gré, il n'y a pas de motivation extrinsèque absolument évidente. Quand vous rentrez du festival off, c'est moins facile de faire des soirée vidéos de vos vacances que si vous étiez allés aux Seychelles ou même en Tunisie via Carrefour Voyage (à crédit en plusieurs fois avec la carte fidélité). Je vois bien que nombre de nos baby boomers cultureux cumulent les handicaps : voyageurs invétérés et bénéficiant du fameux prix senior défiant toute concurrence, retraite pré-macronienne etc, dont nous les vieux de demain, nous ne bénéficierons pas. Il nous faudra donc des motivations nouvelles pour venir au théâtre : ma préférée c'est la clim pendant la canicule (tant que c'est permis), je suis déjà accro!

Il y a  plusieurs problèmes à régler, remarquez, même pour la transition opérée par les Nold : nous sommes plus fragiles que les Baby Boomers, plus dépressifs (les chiffres sont sans appel), et certains d'entre nous n'ont pas le poids financier équivalent à leur poids corporel. Rester cassé en deux sur des bancs pourris pendant deux heures, normalement c'est un truc de jeunes ! Ben, non, au festival off, c'est un loisir de retraités !

Je ne vois qu'une solution, arrêter de vieillir, devenir immortels, ou démocratiser l'acharnement thérapeutique : mamie est sur un lit à roulette, les yeux fermés ? Et alors, c'est son droit de venir au théâtre quand même ! L'accessibilité est un boulevard qu'il faut emprunter et développer.  Inclusion j'élargis ton nom...

Offrir des places de théâtre aux enfants à noël : si tu savais écrire une phrase sans fautes, je t'aurais offert des Nike ou un drone, petit con!

Parce que nous les Nolds, c'est sur, on va craquer, on va finir par aller courir tous nus dans la campagne en faisant des bruits de kangourous ! Entre 2 générations de narcissiques qui ont tout compris à la vie, les Nold ont beau continuer d'aller pogoter quand ils peuvent et porter des Doc Martens, ce sont quand même eux qui torchent les BB Alzheimer et ce sont aussi eux qui se tapent les caprices de leurs joyeux bambins moitié Iphone moitié hamburger végan. Notre génération n'est pas une valeur sûre. Ce n'est pas une génération sur laquelle il faut miser, elle ne va pas faire long feu.

Ratiboisée à la racine par les années SIDA elle partait déjà mal, sans parler de Tchernobyl, mais voilà qu'en plus elle a croisé le mouvement des Rave et elle a le sens aigu de la fête, le coude agile, la dépression dans le sang. Comparons les rockers : les rolling stones ont la pêche, les tenants du rock des Nold, les grunges, sont quasi tous morts ou agonisants : c'est mathématique, on ne tient pas la route ! Pour la silver economy, il va falloir faire un plan drastique, nous faire cloner ou que sais-je !

Drogués, on l'est déjà : aux antidépresseurs, aux anti-douleurs, sans parler du shit, de l'herbe, du pinard, du sexe, des écrans, j'en passe et des meilleurs !

Pour les idoles des nouveaux jeunes, le prognostic vital est déjà engagé : quand on en regarde certains, on se demande si le pouls bat encore. En tous cas question activité cérébrale le constat reste incertain...Faut voir. 

Bref, nous les vieux de demain, on lit Gen War et on se marre mais sortie des BD on a peu à manger alors on picore un coup dans la gamelle des jeunes un coup dans la gamelle des vrais vieux légitimes ; on porte des New Balance, on essaie de se reconnecter à la campagne, on fait beaucoup de bénévolat pour oublier qu'on n'a plus assez de boulot pour vivre décemment, on évite le oin-oin pas chic pour les ex-fans des nineties, alors on est les champions de la mauvaise humeur et de l'impolitesse pour compenser, parce que "y'a pas écrit la poste" (référence générationnelle) et que nous, on a vraiment vu jouer sur scène un humoriste qui faisait des blagues sur son propre cancer, alors l'humour "caustique" de France Inter ça nous fait plus rien, on est complètement désensibilisés. On voudrait ben mais on peut point...

J'arrête ici mon mauvais esprit et mes jérémiades. Je suis inquiète pour le théâtre : quels culs vont s'asseoir sur les sièges en velours et les chaises en plastiques si nous, les vieux de demain, on n'y va pas ? 

Ah Ah

Conseil, lire Gen War et écouter l'excellente interview de Mo CDM par Pierre AVRIL sur RAJE www.raje.fr









lundi 18 décembre 2023

Un soir de décembre dans la petite maison du grand clown solitaire : Charly Lanthier à l'Archipel

 La petite histoire d’un homme trop grand est un solo de clown contemporain qui convoque une certaine nostalgie

.

En effet, si l’esthétique (inspirée par voyage de Charly Lanthiez en Croatie d'après guerre, il y sept ans) peut nous rappeler celle d’un passé lointain en France ou celle de certains pays de l’Est,  l’histoire, elle, est très contemporaine, même atemporelle, puisqu’elle nous parle des turbulences émotionnelles d’un personnage attachant qui prend les traits d’un géant qui habite une maison en ruines et nous raconte sa difficulté à garder ses amis en vie…


Ne nous y trompons pas, ce n’est pas un énième discours sur les actualités. Lorsqu’on questionne l’artiste sur ses intentions, ce n’est pas de la guerre qu’il souhaite parler en premier lieu. Pour lui, la guerre qui est figurée ici, est une guerre intérieure, que nous devons tous mener afin de ne pas encombrer le monde de brutalité. Cet enfant trop grand est peut-être un adulte qui a gardé son âme d’enfant, et, en tous cas, selon les dires même de l’auteur et interprète, sa taille, immense,  c’est celle des sentiments. Il ressent tout trop fort, tellement fort, qu’il peut écraser sans le vouloir tous ceux qu’il aime.


Voilà pour nous, spectateurs, une invitation typique de la liberté que nous offrent les clowns de nous laisser submerger par notre imagination, quitte à projeter sur les propositions de Charly Lanthiez les métaphores qui nous sont propres et témoignent de nos inquiétudes. En effet, l’un pourra y voir un paysage de guerre, un autre y verra le dessin d’une enfance brisée, une autre le merveilleux auquel on accède quand on sait rester un esprit simple, on peut aussi y voir un travail poétique sur le travail de deuil ou la nécessité de se raconter des histoires, dans un monde mal taillé pour les personnalités hors-normes.





L’histoire se dessine à travers les itérations du langage propres au personnage qui a un mal fou à entrer dans sa propre maison, tant la porte de celle-ci résiste à sa démesure !

En effet, la clef du monde de cet enfant géant écrasé de solitude, c’est ce souvenir d’un temps d’insouciance quand sa mère s’occupait de lui, et lui préparait une soupe au lait. Ce souvenir, ritournelle réinterprétée en permanence, se fait tantôt souvenir mélancolique, tantôt blague, tantôt porte ouverte vers l’autre, puisque ce tendre géant n’a de cesse de se faire des amis, copinant avec quelques spectateurs, tout en les prévenant du risque qu’ils encourent…


Le décors est très réussi, très astucieux et pourtant simple. Tout repose sur deux ouvertures/fermetures : la grande fenêtre ronde qui donne sur l’extérieur, à gauche, et donc sur le danger possible, la porte, trop petite, qui permet de visualiser très vite la dimension “géante” du clown. Une vieille cuisinière à charbon ou à bois est aussi d’importance. C’est sur elle que la maman faisait la soupe au lait . C’est le feu de la mère, la chaleur et….Vous verrez….

La lumière est très importante, toujours pauvre, donnant une ambiance à la Dickens, proche aussi parfois du conte.

Quant aux accessoires et costumes, là aussi ils comptent pour beaucoup dans cet univers un peu trash et poétique qui nous happe. De grandes oreilles, une redingote du 19ème toute empoussiéré, un casque de soldat un peu vert de gris…Un pantalon déchiré qui laisse apparaitre les pieds nus de ce pauvre hère qui ne se plaint jamais et tente au contraire de nous séduire, de nous raconter des blagues et même de nous protéger d’un certain Serge, qui, tel Godot, ne se montre jamais !

Lorsqu’on a la chance de rencontrer l’interprète, on mesure tout le travail de construction de son personnage !

Il s’est totalement fondu dans le cœur de ce géant abîmé, presque une gueule cassée, et désespérément seul ! La magie opère : nous avons voyagé dans une dimension supérieure du sensible !





Quand on regarde le parcours de la compagnie du U, qu’il s’agisse d’un tour du monde à vélo, d’une tournée de duo de clowns en Took-took au Vietnam, ou de leur appétence pour l’humain fragile ( ils sont clowns d'hôpital) et toute l’attention que ses membres portent à la différence en tant que richesse, on comprend que les chemins faciles ne les intéressent guère mais qu’ils prendront soin de nous permettre d’appréhender les sujets les plus complexes de façon fine, douce et poétique.


Ce solo de clown peut être vu par des humains sensibles âgés de 8 à 108 ans !

Que le clown soit avec vous en cette saison de fêtes de fin d’année !









La petite histoire d’un homme trop grand

Teaser

70 minutes à partir de 8 ans

Compagnie du U

Interprète: Charly Lanthiez

MES: Joris Carré

Première de presse le 17 décembre :Théâtre de l’Archipel

AP: Dominique Lhotte

Décors: JL Dalloz

Son: Julien Boé

NB : crédit photo 1 et 2 : Dominique Lhotte /Photo 3 : Compagnie du U




samedi 11 novembre 2023

JOURNIQUE D'AUTOMNE



     Vivre dans une petite ville de province qui accueille un événement d’envergure, c’est amusant. On y a les mêmes joies et les mêmes déconvenues qu’ailleurs mais le café en terrasse augmente chaque année, chaque année il est plus difficile de se garer. Selon l’obédience de la mairie et l’air du temps, la ville compte plus où moins de miséreux visibles ou de pauvres invisibles. Il y a plus ou moins de problèmes de salubrité et de sécurité, il y a plus ou moins d’arbres, plus ou moins de travaux, de transports en commun, de mobilité décarbonée et d'évènements plus ou moins culturels et inclusifs.

Mais surtout, il y a des célébrités. Il y a en a tant qu’à force vous les voyez à peine parce qu’à dire vrai, à Avignon, à moins de recevoir Brad Pitt ou les BTS, personne ne va s’attrouper en hurlant autour d’un autre nombril que le sien, où alors c’est que j’ai manqué des événements mémorables. Un footballeur aurait davantage de succès, pourtant, Avignon, c’est la ville du théâtre.

Mais voilà, les stars du théâtre ont le glamour discret et les stars de la télévision ou du cinéma qui font aussi du théâtre, on les ramasse à la pelle et souvent, elles se ramassent elles-mêmes. Bref, on ne les voit même plus, à force.

Non que la célébrité nous laisse de marbre. Il n’est rien de plus agréable pour une star de la télé que de venir ouvrir un théâtre par chez nous. Elle sera assurée de trouver une cour dévote et sincère, et un public captif espérant des invitations bien que n’étant d’aucune presse. Le public payant c’est plutôt en été. Heureusement, les consommations de liquide aident à combler le manque à gagner. Car la plupart du temps les vedettes comme les stars et même les phénomènes médiatiques, non seulement font caca comme vous et moi, mais ils ont aussi des charges à payer, d’autant que c’est un peu comme les grosses berlines d’autre fois : elles brillaient plus que votre petite voiture mais elles demandaient aussi plus d’entretien et engageaient des frais exorbitants. Faisant partie des pique-assiettes du show-bizenesse décentralisé, je m'achète ici un peu de crédit-empathie.

Ainsi, Avignon reçoit non seulement des “pointures” du théâtre dans le in comme dans le off, mais elle reçoit aussi des personnages de feuilletons quotidiens, de films policiers de terroir, des humoristes qui sont passés à la télé, des musiciens qui sont jurys dans des radio-crochets. Il y a aussi beaucoup de gens qui sont cousins/cousines d'unetelle qui est célèbre, et ne nous mentons pas, c'est un peu le seul moyen que les entrepreneurs du spectacles ont de faire venir des vauclusiens en centre ville. Je pense qu’un jour on recevra aussi des personnages de jeux vidéos et de dessins animés. Enfin j’espère ! J’aimerais bien savoir si Albator a bien vieilli, si les lapins crétins sont aussi crétins dans la vraie vie, si Totoro a maigri, bref, la vie, la vraie….

Avignon serait beaucoup moins drôle sans ses célébrités de tous les genres et de toutes les tailles. Les amis des célébrités, sont un peu, aussi, des célébrités ! Et nous on est tous l'ami de l'ami d'une amie de quelqu'un qui, à un moment de sa vie, a connu quelqu'un qui a rencontré Michel Druker ou la famille de Gérard Philippe! CQFD

    Les politiques y viennent aussi. Il y en a de tous les bords même s’il faut bien avouer que la culture assume franchement sa préférence pour les subventions de gauche, dans la mesure ou les subventions de droite, déjà, on ne sait pas très bien si ça existe (ouh la menteuse !) et que la culture, c'est de gauche, c'est un horizon indépassable, cette gauchité, me dit-on dans l'oreillette. En tous cas, si vous cherchez à financer une performance dansée et criée avec des femmes transsexuelles nues qui tapent sur des bambous et lancent des chaises sur le public, c'est plus facile avec une mairie de sensibilité dite "progressiste". Surtout si il y a dans votre projet une dimension sociale inclusive voire pédagogique ou écologique (démerdez-vous!)

La politique, c’est le sujet qui fâche, disait ma grand-mère… Plus maintenant. Maintenant on se fâche sur les réseaux sociaux, mais dans la vraie vie, on est très chouette, souriant, calme, liquide et affamé, à part quelques hurluberlus encore abonnés à Spoutnik qui pensent que la politesse ce n’est pas un lubrifiant social qui aide à vivre ensemble mais un ensemble de conventions bourgeoises aliénantes. Ceux là, on les reconnait vite, en général ils dirigent des structures à vocation socio-culturelles et ils ricanent comme des cow-boys regardant un pied tendre entrer dans un saloon dès qu'un new guy is dans la ville. Oui je sais j’ai trop lu Lucky Luke et j’ai une passion pour Jolly Jumper. Eux, d'accord, ce ne sont pas des stars, mais bon, quand même, respect, ce sont souvent des darons. Ils ont fini par devenir les notables qu’ils rechignaient à adouber dans leur jeunesse. Pas très souriants mais utiles parce qu’eux, ils sont ici à l’année. Quand il fait froid, c’est dans leurs chapelles à pendrillon, leurs cinémas engagés qu’on voit du feu et qu’on entre l’hiver.

Question politique, il y a aussi le sujet “faut-il rire ou pleurer ?” qui récure (il est récurrent) : ce sont les anciennes célébrités qui se sont recyclées dans la polémique pour ne pas dire le platerrisme/terreplatistme et autres inquiétantes bizarreries en isme. Deux gros dossiers nous occupent en juillet, à Avignon: l’un porte des cuissardes, l’autre est à demi-breton. Eux aussi, autrefois, ils avaient du talent. Ils veulent revenir croquer la bonne pomme de la cité papale. Je ne les nommerai pas, je préfère encore dire Candy man trois fois ou Voldemort Voldemort Voldemort…. En jetant du gros sel par dessus mon épaule....

Bref, à Avignon, on ne s’emmerde pas tous les jours, surtout si on a l’insigne honneur d’être invité aux conférences de presse. C’est facile, il y a si peu de presse, qu’il suffit d’ouvrir un blog (dont acte) et de prouver qu’on est bien à la retraite (là, j'avoue, ça fait du bien : je suis trop jeune), ça passe crème !

Donc, si vous aimez les conférences de presse ne vous gênez pas, d’autant que les 3 véritables (journalistes porteurs d'une authentique "carte de presse") de la région ont souvent bien mieux à faire. Donc il y a toujours des places pour écouter les politiques de toutes les strates des territoires venir très maladroitement expliquer que x ou y est un ami de longue date et qu’on lui a pour son talent indicible (d’ailleurs on en parlera pas) alloué quelques centaines de milliers d’euros. Là, c’est la course, tous les présidents du territoire se battent pour avancer le chiffre le plus fou, comme s’ils le sortaient eux-mêmes de leurs poches. Et il faut savoir que c’est toujours le plus mauvais orateur qui parle le plus longtemps et essaie de faire des blagues en tutoyant l’artiste ou l’organisateur ou patron de théâtre qu’on était venu écouter pour connaître enfin le programme. C’est cette personne, d’ailleurs, la seule professionnelle, artiste le plus souvent, qui parlera le moins. Mais c’est aussi la personne dont les autres zozos avaient besoin pour appuyer sur la télécommande qui déclenche le Powerpoint. Dans les arts vivants il faut être polyvalent. Le même vous serrera la pince en ayant l’air de vous avoir reconnu alors que c’est la première fois que vous venez et vous servira même peut-être une coupette de champagne (et fera même les vitres après si ça se trouve) pendant que les stagiaires se fichent intelligemment de la gueule des invités et checkent leurs Iphones.


Oui, vivre à Avignon, c’est intéressant. Parce qu’il y a non seulement les vraies célébrités (de toutes tailles de notoriété…) mais aussi des tas de personnes qui fréquentent les célébrités et se selfisent avec ou pas mais le font savoir. Certains se déguisent même en célébrités. (Combien de faux Jean-Michel Ribes peut-on croiser en une journée de festival ?)

Combien de faux Philippe Caubère saluerez vous tout en passant à côté d’un Denis Lavant qui se fond dans les murs, d’une Myriam Boyer qui prend des selfies dans la rue des teinturiers, l’air de rien ? Ariane Ascaride qui est comme à la maison mais ne tient pas à être reconnue ? Puis-je évoquer certaines attachées de presse qui couinent plus que leurs protégés ?

Qui aura reconnu l'athlétique boss de la comédie française marcher d’un pas rapide en claquette ? Jacques Weber, lui est trop grand, trop Jacques Weber, on ne peut pas le rater.


Ne me demandez pas de parler des stars de la téléréalité, même celles qui finissent par être sur les affiches pour un stand-up ou un seul en scène, je ne les connais pas. Et comme dirait Paul Ricoeur, si on ne connait pas on ne reconnaît pas (ici, c'est la seconde intellectuelle, la seconde pas plus, promis)


Donc voilà, à Avignon, il y a des stars, des fausses stars et aussi beaucoup de professeurs qui viennent faire des stand-up ou des “seuls en scène” “pédagogiques”. Des youtubeurs, aussi, parfois les deux en même temps. Parfois ce ne sont pas les pires. Parfois. Il y a aussi les grands traumatisés: qui a survécu à un tsunami, qui a survécu à des micro ou des macro-agressions, qui a sa maladie orpheline, qui s’est mis à la boxe, qui a perdu son chat, qui a changé de sexe, qui a fait un burn-out ou bien tout à la fois… Honnêtement, je ne sais pas si c’est l’effet "réseaux sociaux", avec les citations de Nietzsche qui nous donnent à tous l'impression d'avoir soudain une agrégation de philo, mais c’est clair, le savoir est devenu sexy, et la dimension pédagogique tient le haut du pavé. Les témoignages et les biographies de grands personnages, voilà aussi deux niches tellement grandes qu’on ne sait plus si on doit les appeler des niches tant ces niches sont exponentiellement élastiques.


Donc si vous êtes un prof malade et/ou traumatisé qui cherche à se reconvertir en saltimbanque tout en s’identifiant à…Marie Curie…Ne lâchez pas l’affaire, le festival off c’est pour vous…Vous pouvez nous la faire en tragique et lacanien, ce sera du théâtre expérimental (risque d’article dans Télérama) ou humoristique (risque d’article dans Vaucluse Matin), mais, en tous cas, si vous avez assez de revenus pour que votre banquier vous octroie un crédit raisonnable afin de louer une salle intra-muros, vous avez toutes vos chances de vous trouver un public dans un théâtre de 49 places. Voyez ça comme des vacances actives, un peu comme le woofing, mais au lieu de travailler à la ferme, il faudra tracter toute la journée sous le cagnard à 40°, boire beaucoup de Pac à l’eau et bien sûr jouer, aussi, durant le créneau que vous aurez pu vous payer. Vous vous ferez plein de copains sympas, on vous paiera des coups, ce sera une belle expérience de vie et il y aura toujours quelqu’un de gentil qui vous dira que vous avez du talent et une attachée de presse pour vous taper mille balles et vous obtenir des articles de blogs qui ont 3 lecteurs.


Je me demande d’ailleurs si le seul en scène pédagogique n’est pas une alternative à l’éducation nationale… Ludique, granularisé (attention, jargon métier: éléments de savoir concassés en très petits morceaux pour être compréhensibles et digestibles), fédérateur…Les programmateurs ne s’y trompent pas , une tournée en milieu scolaire pourrait bien vous tomber dessus.


Avignon ville de culture, ville d’enseignants, vitrine des élus et cadres sup de l'état. D’ailleurs le public des festivals se recrute en majorité dans ces CSP. A l’année, des tas d’expositions, performances et autres sont organisées par des artistes…qui sont en réalité des profs de... collège. Ils ont peur, ils font un métier dangereux, mais ils ont du temps ! C’est un public très courtisé : ils font vivre les expos, les musées, les événements qui répondent à un appel d’offre public qui contient des mots clés (environnement, différence, inclusif, pour tous, éducation, mixité, minorités, vivre ensemble, arbres, eau, culturel), ils sont les grands pourvoyeurs de public “frais” pour les théâtres, aussi, et les cinémas. Cela s’appelle peut-être “la société de la connaissance” ou l’amélioration continue. C’est comme chez Disney, on s’amuse et on apprend (pas taper pas taper). N'hésitez pas à réserver votre AirbnB un an à l'avance si vous voulez réviser vos bases de Maths, d'histoire de l'art, d'anatomie ou préparer votre prochain séjour en Italie avec une cadre commerciale qui vous apprendra avec son accent charmant à faire les pattes sans crème fraîche (merde, on est pas des normands!), vous pouvez même apprendre par cœur, en groupe, un sonnet de Shakespeare avec le directeur du In.


On se demande bien comment c’est possible que le niveau de culture générale soit aussi bas avec toute cette merveilleuse offre culturelle. “La faute aux réseaux sociaux, on scrolle, on zappe d’hypertexte en hyperlien, on ne retient rien ? Ou alors c’est qu’on part de si bas…” Je vous laisse poser vos hypothèses...


Parfois, aussi, dans certains endroits, il y a de vraies pièces de théâtre, avec des mots, du sens, des personnages, une mise en scène, de la lumière, un décors, une idée qui n'est pas le remake d'un film ou d'un documentaire... Il y a même des théâtres dans lesquels en plus on est bien assis et bien reçus, et la compagnie qui joue, en plus, est contente d'être là. Jackpot !


Faites un petit exercice d'imagination. Imaginez qu’une telle, qui parle au premier degré, soit en train de faire un discours au deuxième degré, si vous êtes capable de cela, vous êtes le roi du monde. Vous aimerez Avignon et vous aimerez la vie. Ce sera sur un malentendu, mais bon, qui n’a pas fait de petits arrangements avec la réalité, hein ? C’est ça la magie du théâtre : un perpétuel malentendu. Est-ce nul, est-ce génial ? Si vous avez dans votre entourage un habitué de l’art contemporain, demandez- lui des astuces : il comprendra tout de suite de quoi vous parlez. On rit/on pleure. On apprend /on se distrait. Pour vous faire une idée, visitez la collection Lambert: un chef d'œuvre, un dilemme, un chef d'œuvre, un bug subventionné, un presque chef d'œuvre, un “truc”, re “un chef d'œuvre", etc. C’est une bonne préparation. C’est un très bon exercice pour tester votre plasticité neuronale ou la développer. Si vous craquez, pas d’angoisse ! Dans la région, même l’hôpital psychiatrique est chic : on y interna de force autrefois cette pauvre Camille Claudel, il y a aujourd’hui de nombreux ateliers créatifs à votre disposition…


Si X joue au In c’est intellectuel, si X joue au Off le risque du divertissement affleure. Oui, même si c’est le même spectacle fait avec exactement la même équipe. Vous ne pouvez pas comprendre. C’est un peu comme le sketch des inconnus avec le bon chasseur et le mauvais chasseur…..Au In, on est (bien) payé pour jouer, au Off, on paie pour jouer….Ce n’est pas du tout le même business model…Le plus drôle c’est qu’à part le business model et les effets secondaires de Airbnb, au fond, pour ressentir la folie et la bohème du In d’autrefois, le In vintage, il vaut mieux venir au Off. Parce qu’au In, le bourgeois vient se faire secouer (c’est écrit dans le contrat) mais s’il est secoué un peu fort il crie “aïe” -ici je vous conseille de rechercher (ou vous voulez, je ne suis pas votre mère) quelques exemples d' “incidents” ayant eu lieu durant le In en 2023.

Moi, j’aime bien les mélanges : In/Off/PMU, tout me va !


Avignon, c’est aussi une ville chouette grâce à ses polémiques. Dans le monde il y la guerre, la pollution, la torture, la faim etc….

A Avignon, c'est un peu différent, il y a des préoccupations de type: le stand-up c’est le niveau zéro du théâtre, moi ce que j’aime dans le théâtre populaire c’est quand on ne s’amuse pas. Il y a le bon théâtre populaire et le mauvais théâtre populaire (Jean Vilar mal digéré, ou les Inconnus?), il reste encore pas mal de théâtres et d’églises désacralisés à transformer en théâtre, tiers-lieu, et autres scènes, là je verrais bien un roof-top immersif avec sieste musicale…. Je pense investir dans une cave pour la louer sur Airbnb en juillet... Ou la niche du chien, après tout, c'est très "concept" pour la catégorie "atypique", autant ça marche... L’association du Off mérite-t-elle la fessée ? Les blogueurs ont-ils leur place au club de la presse ? Est-ce qu’on a le droit de faire un théâtre éphémère dans une yourte ? Le théâtre engagé est-il chiant ? Le théâtre non engagé a-t-il le droit d’exister ? Pourquoi la mairie n’envoie-t-elle pas des employés municipaux pour couper les herbes qui poussent sur les trottoirs ? C'est quoi ça, une poubelle, le clochard qui brûle, c'est une performance? Doit-on exécuter les avignonnais qui ne roulent pas en vélo ? N’y a-t-il que des profs, des artistes et des cas sociaux à Avignon ? (si c'est la diversité qui vous fait tripper, vous en trouverez un peu sur les planches-surtout au In), aventurez vous hors des ramparts). Est-ce corrélatif (pause pipi) ? Tiens, il y a avait un théâtre à cet endroit, avant, tu es sûr ? Là aussi ? C'est quoi, ça, un restau ou une friperie? L'IA va-t-elle remplacer les acteurs de doublage? Les théâtres historiques enlèvent-il vraiment la signalétique des théâtres "importés" de la Capitale? (Hercule Poirot est sur le coup.) Est-il avouable d’habiter extra-muros? Quand tu fais la manche, faut-il demander directement 2 euros ou 1euro 99, ou alors carrément laisser les gens choisir? Est-ce que les journalistes parisiens vont voir, parfois, des spectacles extra-muros ? Bonjour, est-ce que vous avez de la ginger beer? Tiago Rodrigues est-il vraiment Tiago Rodrigues ? Y a-t-il un lobby portugais qui avance à bas bruit avec des intentions coloniales?

Et encore tout un tas de trucs passionnants….Sur les Chemtrails, la vie extra-terrestre après la mort, le bon népotisme et le mauvais népotisme, etc…..



Avignon est une ville d'environ 90 000 habitants qui a ses Universités, son aéroport, son tram (a failli avoir son métro), une gare TGV et une gare ordinaire. Des monuments historiques, des collections d'art, des musées municipaux gratuits, des boutiques de tourismes, beaucoup de carrefour city, d'épiceries de nuits qui vendent surtout de l'alcool. Des voiturettes électriques (baladines), des tchouk tchouk comme en Indes, avec un jeune esclave qui pédale pour vous. Bientôt les chaises à porteur ? Nous avons notre PEM qui facilite les allers-retours de pôle emploi jusqu'aux zones commerciales, de la CAF à la patinoire, de mon HLM à l’hôpital ou à la déchetterie. Des SDF pour tous les goûts et toutes les sensibilités -jamais en très bonne état, on voit bien qu'ils ont déjà servi- dont le nombre augmente à vue d'œil et qui agonisent parfois au pied des monuments historiques comme autant de “vanités” qui vous rappellent que la vie de consommateur est fragile. Parfois un être humain se soucie de savoir si oui ou non, ça bouge encore à l’intérieur. Nous avons aussi nos dealers en Ferrari, nos kékés cys et LGBTQH+ (c'est ça le progrès : attentions ici marques de luxe ), nos aristocrates en chaussettes-claquettes, nos quadras mal rasés en costard et basket, avec des lunettes destructurées, nos émules d'Iris Apfeld et celle de Christina Cordula, nos sectes importées des états unis, nos boîtes à livres pas du tout étanches, nos handicapés à roulettes qui restent devant la porte des théâtres et autres lieux inclusifs qui n’ont pas jugé utile de s’équiper d’entrées PMR. Nos teufeurs à chien (super polis, on dirait que certains ont fait un BTS force de vente), nos femmes roms déguisées en musulmanes pour pouvoir faire la manche (cf études sociologiques avant de me traiter de nom d'oiseaux, renseignez vous). Nos rebelles “radicaux” et antisystèmes qui ne crachent pas sur une petite subvention, une résidence d’écriture, un sponsor de bière bio brassée sous les aisselles ou de grossistes de CBD d'importation suisse. Nos jeunes habillés comme nos grands parents qui nous tolèrent, nous autres "les boomers" et parfois même nous laissent la place dans le bus quand on est plié.e.s en deux, claudiquant et munis d’au moins une canne. Nos festivals électro avec gobelets "verts" consignés et label "écoresponsable", mais nous explosent les oreilles avec leurs décibels bio synapsophages, nos machos affichant leur féminisme de circonstance, nos féministes à frange qui prone la sororité inclusive entre femmes de moins de cinquante ans, notre délinquance en col blanc, notre délinquance en baskets, nos Macdonald, KFC, nos boulangeries Marie Blachère elle est pas bonne mais elle est pas chère, nos poubelles inflammables, notre signalétiques aléatoire, nos cyclistes à contresens, nos trotinettes qui marchent au redbull etc.

Oui à Avignon, on a TOUT absolument TOUT comme ailleurs en France et probablement dans le monde! Alors je cesse ici ma liste car elle me fatigue moi-même. Parce qu'à Avignon comme ailleurs en France, on râle, comme des enfants gâtés et on se dispute le "privilège du cœur". Sauf pour ceux qui sont au RSA quand il y a un bug informatique qui "gèle les allocations" #démerdetoiavecça" (mais, ça, ce n'est pas théâtral, ce sera peut-être l'objet d'un autre billet, un jour, en plus si ça se trouve, le responsable du bug est un très fidèle consommateur d'art vivant et je ne veux pas me faire d'ennemi.e.s, moi aussi je suis un.e honnête parasite cuturel.le comme les autres, hein! #enmêmetemps).

A Avignon, la vie est belle parce qu’on a un fleuve qui est rarement en crue (attention, en ce moment, risques sérieux de débordement, quand même), un climat d’enfants gâtés, des idéalistes qui ne sont pas toujours à côté de la plaque. Des méchants pas trop méchants. On a aussi des airs d'Italie, d'Espagne, de Portugal, du Maghreb, des Nems, du curry (pas wurst), du bissap dans les soirées, des Kebabs et de la daube végétarienne, de la paella sans moules, des pizzas à la banane plantain... Et surtout parce qu’on n’a pas besoin de voyager puisque le monde entier vient nous casser les bonbons en échange de ses biftons. On est les papes du tourisme, avec notre gros gâteau pointu et sa ceinture de pierres, nos rues pavées, nos parcs tous mignons, nos magasins fermés déprimants, nos défilés thématiques avec de grandes marionnettes, nos presses qui ferment parce que les loyers augmentent, nos péniches new-âge, nos écoles d'art, nos baronnets, nos héritiers, nos oliviers, nos lavandes, nos déambulations artistiques, notre canicule, notre mairie sous-tutelle, notre demi-point et les rumeurs de téléphérique.... Et pis nous autres, les anonymes un peu fêlés, les mamies en trottinettes, les abonnés de la bibliothèque, les revenus de tout, les venants les partants, les exilés de la couronne que le ciel bleu ne console pas...


dMeine Damen und Herren, kommen Sie herein und begrüßen Sie in der Menagerie

                                                            Adeline Avril







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