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samedi 6 juillet 2024

Madame Bovary en plus court et plus drôle

 Madame Bovary en plus court et plus drôle





Qui aime bien châtie bien !

J'ai eu la chance d'interviewer Camille et Marion, les heureuses mamans de ce petit joyau d'irrévérence et d'amour pour la littérature ! J'ai ainsi découvert deux passionnées avides de partager à travers l'humour et l'anachronisme élevé au rang des beaux arts, ce classique de la littérature qui a traumatisé tant de lycéens et de lycéennes. Elles en font d'ailleurs partie !

Mais voilà, quand on relit ce chef d'oeuvre, plus tard, notamment à l'aune de la condition des femmes, on y trouve des trésors, surtout lorsqu'on est capable de s'en moquer !

Ainsi, Camille et Marion, comédiennes extraordinaires d'expressivité, de drôlerie et d'inventivité, se sont attelées à écrire cette pièce qui est un cadeau pour tous, au final : les flaubertiens, les anti-flaubertiens, les lecteurs, les non lecteurs, les bovaristes, les filles, les garçons et les autres ! Même ceux qui "ont préféré le film". Et il faut bien avouer qu'après avoir ri à s'en faire mal au ventre, on est ainsi récompensé.e.s de notre impudence par le fait d'en sortir moins con que lorsqu'on est rentré.e.s !

Car en plus de la vision propre au pastiche quand il est bien fait comme c'est le cas ici, on bénéficie de la singularité de ce regard croisé des deux comédiennes dont on devine que leurs synapses fonctionnent à vitesse grand V. Leurs jeux et leurs personnalités se complètent de façon incroyable et quand l'une représente Emma, l'autre le mari ou l'amant, on dirait de l'improvisation !

Pourtant c'est une pièce écrite et très bien écrite, documentée, d'où mon admiration sans borne.

C'est une pièce à savourer en groupe ou en solitaire, en famille aussi, en tous cas je la recommande dès l'âge du collège et du lycée !

A vos risques et périls toutefois : l'exemplaire poussiéreux de Madame Bovary que vous aviez oublié dans un coin de votre bibliothèque pourrait bien devenir soudain follement sexy et attirant pour plusieurs membres de votre famille !

Adeline Avril

Au théâtre des Célestins

Dates : du 3 au 21 juillet pas de relâche
Horaires : 11h30
Durée : 1h15
Lieu : Théâtre des Corps Saints
Genre : Classique révision duo humour
Distribution : de et avec Camille Broquet et Marion Pouvreau mes Decesari

mardi 2 juillet 2024

1984 : une expérience inédite sinon interdite

1984 en 2024



Vu au théâtre de l'Oulle (La Factory)


Le Collectif 8 a une spécialité dont je m'étonne qu'elle ne soit pas plus répandue : c'est une compagnie qui mêle numérique et théâtre. On ne s'étonnera pas qu'une compagnie ainsi à l'avangarde se soucie de trouver des pièces à la hauteur du défi qu'elle s'impose. Ainsi, 1984, dystopie avant l'heure, critique d'un temps que nous n'avons pas connu, est un spectacle qui s'attache à la fois à mettre en valeur un chef d'oeuvre de la littérature, à l'adapter au format théâtre, mais aussi, par le biais des ingéniéries artistico-digitales, de mettre en avant tout ce qui ressort de problématiques actuelles.

La forme sert le fond qui sert la forme qui sert le fond et ainsi de suite.

Deux regards sont prégnants et s'enroulent, spiralant la narration en volume : l'un s'attache à la dénonciation des mécanismes du totalitarisme en jouant de l'horreur jusqu'à l'absurde, à travers la peinture d'un monde qui décide ce qui est vérité et ce qui ne l'est pas, mais aussi à travers la mise en place d'une machination qui prétend détecter les "rebelles", l'autre nous amène à constater les effets dudit totalitarisme sur les individus, à travers l'histoire d'amour qui unit les deux protagonistes. Gaële Boghossian a travaillé à l'adaptation de l'oeuvre en choisissant des parties du texte qui amènent à saisir l'ensemble de 1984 -le livre- sans le développer jusque dans les détails sans toutefois dénaturer l'original. Elle a recréé une dramaturgie en tissant l'intime et l'universel sans trahir la trame initiale. Alors que d'autres compagnies ont choisi de multiplier les personnages, elle concentre toute l'intrigue sur 3 individus sans trahir l'essence du roman ni de la réflexion qu'il propose. Elle en extrait en quelque sorte la substantifique moelle.

Son comparse, Paulo Correia à la fois acteur et spécialiste du digital a lui, créé techniquement l'univers passé au tamis de la vision de la metteuse en scène.

Ainsi, à aucun moment un acteur n'est remplacé par une vidéo ou un hologramme, sur la scène, cela reste du théâtre au sens d'art vivant. Les dispositifs scéniques sont plutôt là pour approfondir le champ et nous permettre d'accéder aux avantages d'une réalité vicariante sans nous déposséder de la chair, de la peau, de l'os. 

Ce sont donc trois comédiens qui interprètent les 3 personnages. Ils sont captifs d'une sorte d'installation technique dont les ressorts sont imperceptibles mais les effets spectaculaires, puisque nous les voyons évoluer dans une sorte de lieu où ni le temps ni l'espace ne semblent être des axes pertinents pour suivre l'intrigue.

Entourés de colonnes de données à la façon de Matrix et de toute représentation de ce qui peut s'apparenter à un "Big Brother" contemporain, ils errent dans un monde qui s'acharne à leur faire perdre tout repère. Un monde de doute anxyogène et d'insécurité qui les empêche de stratégiser leur envol....

Et ils nous entrainent dans leur vertige.

Ce sont eux qui ont toute notre attention. Car c'est bien à eux, du moins l'homme et la femme manipulés par l'homme qui les surplombe, que nous nous identifions dans ce monde ou d'une seconde à l'autre, le bureau de la vérité doit réviser le récit sociétal. Tel jour on est en guerre contre l'est, tel jour contre l'ouest, et le nombre de doigts montrés sur une main dépend de critères variables qu'aucun personnage ne peut jamais maitriser. 

L'amour, l'attirance, la sexualité, l'enfantement ont-ils une place dans un tel monde ?

Des questions que certains se posent encore aujourd'hui. 

C'est bien évidemment un univers inquiétant, une pièce qui traite son sujet frontalement. Si l'esthétique, jouant sur le contraste violant du bleu et du rouge, est soignée et n'est pas sans créer de beaux moments de poésie pure -lorsqu'il s'agit d'évoquer l'amour à contresens de l'autorité-, derrière une pluie de coquelicots, ce sont les vidéos de destruction guerrière qui triomphent dans notre esprit inquiet. Ce n'est pas une histoire qui finit bien, ce n'est pas sa vocation.

Saluons ce travail complexe et collectif qui nous permet d'aborder le chef d'oeuvre de dystopie que fut en son temps 1984, sa dimension à la fois romanesque, philosophique et politique, d'une façon tout à fait singulière et inédite, avec les outils de notre temps. Certes il nous faut déplacer le curseur historique et faire notre le questionnement qui n'est plus seulement celui d'Orwell mais celui, durable, d'un humanité qui n'atteint jamais l'homéostasie ni la paix entière et durable et se voit toujours menacée par une forme de totalitarisme qui change de visage et de nom au point de devenir parfois méconnaissable, voire invisible à l'oeil nu. L'art est alors cette loupe qui remet à notre porté les signes faibles, les changements qui adviennent.

C'est une expérience inédite que la qualité de la scénographie, de la lumière, du jeu des comédiens, nous permet d'aborder sans trahir les exigences d'un public affamé à la fois de fond et de forme, d'art vivant et d'innovation disruptive.

C'est un spectacle ambitieux mais accessible. N'hésitez pas à amener vos adolescents avec vous, même s'ils n'ont pas encore lu le livre. Ce regard pluridisplinaire pourrait bien les convaincre qu'un livre c'est beaucoup plus qu'un livre, et qu'une scène de théâtre est une dimension qu'on peut dilater à l'infini.

Un conseil, mettez vous dans le fond, pour profiter au mieux de l'expérience. De plus sachez que ce spectacle comprend des effets stroboscopiques et lumineux , mais aussi  des fréquences et des variations de volume sonore importants.


Au théâtre de l'Oulle. 

17h10 Relâche les mardis

Genre :Théâtre numérique

Adaptation , Mise en scène et Costumes : Gaële Boghossian

Création vidéo : Paulo Correia

Avec : Paulo Correia, Damien Rémy et Judith Rutkowski

Musique : Benoit Berrou

Lumières : Tiphaine Bureau

Scénographie : Collectif 8

Crédits photo : collectif 8

Collectif 8

site du collectif 8

Billeterie de la Factory/ théâtre de l'Oulle

billeterie théâtre

Programme du festival Off , la page de 1984

lien programme off





   


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