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lundi 10 juin 2024

La prostitution étudiante : une pièce pour comprendre et espérer : J'aimerais Arrêtée par Adeline Avril




Alors qu'elle n'en peut plus, un soir, Sonia recherche de l'aide sur internet. Trouvant le site d'une association dont la mission est d'aider les étudiants et étudiantes à sortir de l'engrenage de la prostitution, elle laisse ce message, comme on lance une bouteille à la mer: "je voudrais arrétée". La faute d'orthographe est aussi vraie que l'histoire de Sonia. Ce qui suit, c'est la relation épistolaire (digitale) qui va se créer entre elle et François, bénévole de cette association, dans le chaos du monde. 

Y-a-t-il encore du sens à rechercher de l'aide, à l'espérer de l'autre un mot qui fait la différence ?

Y-a-t-il encore du sens à aider sans rien attendre en retour qu'une flamme de vie dans l'autre qu'on ne connaît pas et qui sombre ?

J'aime beaucoup le théâtre de Violaine Arsac. Elle aborde des sujets dramatiques et cherche le meilleur angle afin de faire entrer la lumière par les brèches, même lorsqu'elle traite des sujets les plus désespérants. Ici, il s'agit de la prostitution étudiante.

Encore une fois, elle a trouvé le moyen de traiter théâtralement ce sujet de façon inédite, tout en y mettant une pincée d'espoir.

Bien évidemment, on ne verra pas ici un énième Christiane F et c'est sans doute ce qui est perturbant dans la version qui nous est proposée. L'héroïne est bien loin des clichés que l'on a souvent associés à la prostitution : drogue, déchéance physique et psychique, maladie mentale ou autre, et si son incapacité à résister à l'argent "facile" en vendant son corps l'amène souvent au bord du gouffre, lui donnant envie de mourir, elle continue malgré tout, de façon étonnante, à travailler pour "son avenir", se présente aux partiels, étudie, vie quasiment une vie ordinaire. Bien sûr sa famille ne peut se douter de rien.

Et ce n'est pas une version édulcorée de la problématique qui nous occupe ici, puisque Violaine Arsac a adapté le livre éponyme écrit par un bénévole associatif, bénévole qui est le second personnage de cette pièce. Car oui, c'est bien d'une histoire vraie qu'il s'agit.

La force de ce spectacle réside donc dans sa véracité, dans sa mise en scène aussi discrète qu'efficace et bien sûr dans le jeu admirable des deux protagonistes : chacun à un bout d'internet, tapote sur son ordinateur, ce pourrait être pénible et c'est pourtant éblouissant. De cet internet qui amène la facilité pour les prédateurs de trouver des proies et donc facilite la prostitution, sort aussi la profonde humanité de ce François qui tente sans juger de donner de la force à cette jeune fille qui demande de l'aide et est toujours sur le fil du rasoir.

C'est aussi un angle original du parti pris de mise en scène de Violaine Arsac : des ténèbres on peut faire jaillir un peu de lumière. Et les deux comédiens sont poignants, chacun face à ses difficultés, ses doutes, la limite de ses possibilités. Charline Fréri, jeune comédienne lumineuse dans le rôle de Sonia et Aliocha Itovich, comédien sensible, habitué du monde de Violaine Arsac et bien connu des amateurs de théâtres incarne un François tout en nuances.

Une autre force du spectacle c'est qu'à l'heure actuelle, alors qu'on reconnaît enfin la souffrance des femmes, la toxicité réelle d'un patriarcat oppressant, l'opprobre aveugle est jetée sur l'ensemble du genre masculin. Ici, les prédateurs ne sont pas occultés, ce sont les consommateurs de chair fraîche qui tentent la jeune fille modeste et font cet dynamique de l'offre et de la demande qui la réduit à un fantôme. Mais le bénévole, lui, offre une autre vision de l'homme, non prédateur, non paternaliste, aidant neutre. Une autre possibilité.

On se réjouit de voir mis en lumière une masculinité vertueuse. Même si on m'opposera qu'elle n'est pas une généralité, il me semble intéressant de la montrer, de l'opposer au culte du bad boy qui lui, n'est jamais remis en question.

Voilà donc plusieurs raisons d'aller voir "je voudrais arrétée" au delà même de cette réflexion proposée sur la prostitution étudiante. Violaine Arsac, comme toujours, multiplie des regards possibles sur le fléau en s'attachant aux individus. Si elle traite des problèmes, ce qu'elle propose aussi c'est un théâtre fondé sur la mécanique des solutions.

Autant de pistes pour vous donner envie d'aller voir cette pièce pendant le off au théâtre de La Luna. Vous l'aurez compris, je l'ai aimée, donc je la conseille ! 


Adeline Avril




Texte de François Wioland, bénévole du mouvement du nid

Adaptation et Mise en scène de Violaine Arsac

Jeu : Aliocha Itovitch et Charline Fréri

Musique : Stéphane Corbin

Lumières : Amandine Voiron


Réservations : 04 12 29 01 24 

Du 29 juin au 21 juillet  (relâche les 3, 10, 17 juillet)
à 14h40  
Durée: 1h05
LA LUNA  / QUARTIER LUNA 

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