jeudi 6 juin 2024

Médée La Révoltée

 Médée d’ARES, femme désirante, indéfendable ?

Nouvelle création d'Isabelle KRAUSS

Vu au Théâtre des 3 raisins en sortie de résidence





Médée n'aura-t-elle droit qu'à l’enfer qui échoit aux empoisonneuses et aux meurtrières ?


C’est la question que nous pose ce mythe. C’est aussi la question que nous pose le texte de Jérôme de Leusse, osant y ajouter la somme des questionnements contemporains sur la condition féminine.

Utilisée par un Jason l’argonaute,  cynique ou pétri de sa condition d’être supérieur d’homme, Médée revient sur ce cheminement sensuel plus que moral qui l’a amenée à tuer ses fils. Mais la pièce ne se concentre pas sur cet aspect du mythe. 

Elle revient sur ce crime aussi, bien antérieur, qu’elle a commis par amour et qui l’a fait passer de l’or des héritières à la condition de sous-être, qui l’a amenée à se trouver remplacée dans la couche de celui qu’elle a amené au pouvoir.

L’emprise, la trahison, la violence de Jason, homme tout puissant, sa traitrise magnifiée, son droit de la répudier, son mépris pour ce qu’elle est : une femme.

Le jeu d’Isabelle Krauss, qui s’inscrit dans une continuité de la tragédienne au point qu’on pourrait la comparer à certaines traditions codées japonaises, sert magnifiquement l’atemporalité du mythe et fait exister cette Médée torturée et hors d’elle au sens strict du terme par delà les codes imposées par le théâtre antique ou les grands dramaturges spécialisés dans l’utilisation des mythes à des fins contemporaines.

Médée plaide sa cause. Elle qui fut traitée de sorcière, de magicienne, et vouée aux gémonies avant même de commettre l’ultime et impardonnable infanticide, elle se rebelle contre sa condition de marche-pied, de viande-femme. Dans cette incarnation, elle ne semble rien attendre qu’une révision des conditions de sa condamnation, telle un esclave qui en appelle à réexaminer les conditions qui ont précédée le meurtre de son maître injuste. 

Le décor est surprenant, figurant une matrice aux couleurs diaprées, changeantes, on se trouve dans un nulle part qui n’est pas sans évoquer une sorte de purgatoire. Il y a quelque chose de la science fiction des années 70 dans cette scénographie qui doit beaucoup à la sur-écriture permise par le travail sur la lumière ainsi qu’à la musique entêtante et surnaturelle. De même qu’Isabelle Krauss, au visage couvert d’or a tantôt l’air lumineuse tantôt salie, au gré des jeux d’ombres  et de sa danse au milieu des pans d’une immense tenture, très belle, nous imposant sans violence une vulve géante dont Médée est tantôt la voix tantôt l’avalée.


Comment revisiter le mythe de Médée ?


Le mythe de Médée est un casse tête. Véritable victime de l’homme mais aussi de sa propre sensualité, elle représente aussi l’indéfendable, l’intouchable.

La mère infanticide. L’amoureuse plus que la mère pour être plus précis, puisqu’un mythe ne se “regarde” pas au premier degré. Nous ne sommes pas dans les tabloïds, ou sur les réseaux sociaux, à juger .

Avec ce texte, grâce à cette scénographie et à l’incarnation charnelle d’Isabelle Krauss qui rend parfaitement audible la détresse de Médée d’Arès l’on se rend sur “une autre scène” en tant que spectateur.ices, on questionne l’ensemble des verdicts qui fusent dans le monde à l’encontre des femmes, dont on juge les faits et gestes avec un regard différent de celui qui inspecte le masculin “héroïque”.

Ainsi, ce n’est pas une relecture totale du Mythe de Médée que propose le texte, mais une mise en avant de la trajectoire d’une femme qui résonne comme un réexamen de nos propres à prioris sur celles que l’on a qualifiées un peu vite de sorcières pour pouvoir les brûler sans procès. Et un questionnement sur le sacrifice d’une femme qui s’est pliée au désir de descendance de son “seigneur” alors qu’elle était peut-être faite pour une autre vie. Une femme assignée à sa nature de sous-être et donc peut-être assignée au sang, avec le crime pour tout échappatoire.

Rassurez vous, pas de #jesuismédée, de #pendezla ou autre. Le propos se tisse de façon subtile même s’il rejoint un questionnement contemporain de façon juste et surtout, ce spectacle permet de réintroduire un mythe important dans un registre philosophique et littéraire, sans la lourdeur didactique que l’on pourrait craindre.

Ici, sensualité rime avec élégance.


Musique Pierre-Marie Trilloux

MES Isabelle Krauss

Texte Jérôme de Leusse

Crédit photo : Théâtre des 3 raisins


Malheureusement, ce précieux joyau ne sera pas visible durant ce festival off 2024, il faudra attendre l'année prochaine.

dimanche 2 juin 2024

Sympathy for La vieille Ville


 Toujours en direct d'Avignon, terre de culture et de bouffe, ville médiévale et minuscule terreau des névroses occidentales (et autres) en tous genres.

Avançant en âge, je me prépare doucement à faire partie de la silver economy, cette branche incertaine et floue allant du slip anti-fuites aux couches pour adultes, des traitements naturels contre les effets secondaires de la ménopause aux diverses formes de la molécule connue sous le nom de viagra. Bref, du jeune vieux récemment baptisé Nold (jamais vieux mais plus jeune) par des marketers avisés au grabataire jovial, en passant par la Iris Apfeld du coin, la nouvelle Brigitte Bardot (plutôt Winona Ryder ou Béatrice Dalle pour nous) de l'ehpad ou l'intraitable retraité.e, autant que la pauvre vieille du futur, obligée de faire des ménages malgré son arthrose, ou de voyager pour fuir l'ennui et trouver un amant lisse et vigoureux dans des contrées qui ont faim... de passeport autant que de pain. Je n'aurai pas les moyen de faire installer un stana dans mon appartement de location, cela tombe bien, j'habite au rez-dechaussée.

Je suis du genre prévoyante. Normal, je suis atteinte d'un handicap physique peu visible depuis que j'ai quarante ans. Le nombre de marches, l'accès à la boite aux lettres, cela fait un moment que je me préoccupe de ce genre de détails. Et cela ne va pas s'arranger.

Chez les pré-seniors qui ont la chance d'avoir encore "la santé", et les séniors la compétition est rude. C'est à celui ou celle qui marche le plus vite en balade nordique avec deux batons de ski dans la garrigue. A celui qui a su garder une bonne mutuelle et fait tous les examens imposés pour éviter les catastrophes. A celui qui a de belles facettes d'un blanc éclairant la nuit.  Je ne gagnerai pas cette compétition là, les hôpitaux public ressemblent à des dispensaires d'autrefois, les maladies nosocomiales pullulent et régulent les dépenses de sécurité sociale. Mon frère, mon père, ma mère et nombre d'amis en ont fait les frais. Soleil vert est une hérésie. Qui mangerait du vieillard avarié ? 

On aurait de nouveaux problèmes de prion. Il vaut mieux manger des bébés et si ce n'était cette fichue silver économie, sans doute qu'au nom de la dignité humaine, on me terminerait avec plaisir "pour mon bien et ma dignité" avant que je devienne acariâtre et trop couteuse. Par chance le libéralisme débridé sait faire faire de l'argent au manque d'argent, qu'il s'agisse d'agios ou de biens d'absolue innécessité que nous consommerons pour rester sur le manège enchanteur de la société moderne selon l'esthétique existentielle de la walt disney Company. Dentiers jetables peu chers ? Perruques chic? Flouteurs dignes de la cape d'invisibilité de Harry potter, strip-tease pour les vieux ? Gigolos remboursés par certaines mutuelles, peut-être même la CMU? Faux seins jetables, reins d'appoint recyclables ? Tant qu'on est bon consommant on nous tolère. J'espère que de nouveaux antidouleurs apparaitrons sur le marché libre, des produits qui ne niquent pas le foie, ou bien une amnistie "drogue dure pour les seniors" ( un "contrat social" de type : à partir de 60 ans, mettez vous ce que vous voulez dans le nez, mais ne prenez plus le volant, par exemple).

Les défilés de mode avec des grabataires pousseront les papys et mamies à dépenser leurs maigres retraites en bling pour défiler. Des stickers "Rock is not dead" pour les déambulateurs, des ateliers "je décore mon fauteuil roulant et ma canne", des ateliers d'écriture "ma hanche mon avenir". Le tout sous LSD.

Lieu "bien-être" façon snozelen en plus psychédélique, partouzes récréatives "l'orgasme c'est la santé". Je suis sûre qu'il y a des tas de choses à inventer pour maintenir les seniors de demain (mes copines et moi) en simili-forme pour qu'ils et elles continuent de consommer du services payant et du loisir, autant que des fringues, du make-up, de la malbouffe, des assurances pour assurer les assurances. Des restaus "tout purée-tout compote". J'ai une tonne d'idées...

Etant comme je vous l'ai dit un parasite culturel, cette courbe qui m'amène vers l'inexorable décrépitude élégante des gens qui n'auront bientôt plus besoin de faire semblant d'avoir les cheveux blancs de façon naturelle représente un atout certain pour les engins de ma sorte. En effet, Avignon, terre de théatrogénie, est le paradis des vieux et vieilles diplômé.e.s. Les théâtres auraient déjà fermé sans les baby-boomers passionnés de culture et l'urgence de trouver rapidement un public de remplacement se fait sentir. Moi, quinqua, je suis une alternative, je représente la transition. Ce n'est une bonne nouvelle pour personne.....Je serai âgée de 70 ou 80 ans d'ici qu'une nouvelle fournée susceptible de s'installer sur des fauteuils en velours rouges ou des escaliers casse-dos et autres strapontins. Car si nos amis baby boomers ont il est vrai la peau dure, et c'est tant mieux, ne rêvons pas, à part quelques transhumanistes qui auront eu l'intuition de se transférer dans un disque dur à roulettes, à un moment ou un autre, il va falloir leur dire Adieu.

Pour l'instant il faut bien le dire, beaucoup sont fringants et plus actifs que moi, mais pour ce qui est d'un public jeune, j'ignore où le trouver. Les jeunes sont nombreux sur scène et dans les écoles d'art toutes disciplines confondues, c'est déjà ça, mais dans les salles, sur les fauteuils, malgré le pass culture, le meilleur moyen de les amener au spectacle c'est encore de les payer ou de les obliger en imposant via l'éducation nationale, des séances "scolaires". Est-ce que ça va suffire ?

Pour le In, je ne suis pas inquiète, y être vu est un marqueur social, c'est un peu le Courchevel sans neige, mais pour le off, c'est plus complexe. On y va de son plein gré, il n'y a pas de motivation extrinsèque absolument évidente. Quand vous rentrez du festival off, c'est moins facile de faire des soirée vidéos de vos vacances que si vous étiez allés aux Seychelles ou même en Tunisie via Carrefour Voyage (à crédit en plusieurs fois avec la carte fidélité). Je vois bien que nombre de nos baby boomers cultureux cumulent les handicaps : voyageurs invétérés et bénéficiant du fameux prix senior défiant toute concurrence, retraite pré-macronienne etc, dont nous les vieux de demain, nous ne bénéficierons pas. Il nous faudra donc des motivations nouvelles pour venir au théâtre : ma préférée c'est la clim pendant la canicule (tant que c'est permis), je suis déjà accro!

Il y a  plusieurs problèmes à régler, remarquez, même pour la transition opérée par les Nold : nous sommes plus fragiles que les Baby Boomers, plus dépressifs (les chiffres sont sans appel), et certains d'entre nous n'ont pas le poids financier équivalent à leur poids corporel. Rester cassé en deux sur des bancs pourris pendant deux heures, normalement c'est un truc de jeunes ! Ben, non, au festival off, c'est un loisir de retraités !

Je ne vois qu'une solution, arrêter de vieillir, devenir immortels, ou démocratiser l'acharnement thérapeutique : mamie est sur un lit à roulette, les yeux fermés ? Et alors, c'est son droit de venir au théâtre quand même ! L'accessibilité est un boulevard qu'il faut emprunter et développer.  Inclusion j'élargis ton nom...

Offrir des places de théâtre aux enfants à noël : si tu savais écrire une phrase sans fautes, je t'aurais offert des Nike ou un drone, petit con!

Parce que nous les Nolds, c'est sur, on va craquer, on va finir par aller courir tous nus dans la campagne en faisant des bruits de kangourous ! Entre 2 générations de narcissiques qui ont tout compris à la vie, les Nold ont beau continuer d'aller pogoter quand ils peuvent et porter des Doc Martens, ce sont quand même eux qui torchent les BB Alzheimer et ce sont aussi eux qui se tapent les caprices de leurs joyeux bambins moitié Iphone moitié hamburger végan. Notre génération n'est pas une valeur sûre. Ce n'est pas une génération sur laquelle il faut miser, elle ne va pas faire long feu.

Ratiboisée à la racine par les années SIDA elle partait déjà mal, sans parler de Tchernobyl, mais voilà qu'en plus elle a croisé le mouvement des Rave et elle a le sens aigu de la fête, le coude agile, la dépression dans le sang. Comparons les rockers : les rolling stones ont la pêche, les tenants du rock des Nold, les grunges, sont quasi tous morts ou agonisants : c'est mathématique, on ne tient pas la route ! Pour la silver economy, il va falloir faire un plan drastique, nous faire cloner ou que sais-je !

Drogués, on l'est déjà : aux antidépresseurs, aux anti-douleurs, sans parler du shit, de l'herbe, du pinard, du sexe, des écrans, j'en passe et des meilleurs !

Pour les idoles des nouveaux jeunes, le prognostic vital est déjà engagé : quand on en regarde certains, on se demande si le pouls bat encore. En tous cas question activité cérébrale le constat reste incertain...Faut voir. 

Bref, nous les vieux de demain, on lit Gen War et on se marre mais sortie des BD on a peu à manger alors on picore un coup dans la gamelle des jeunes un coup dans la gamelle des vrais vieux légitimes ; on porte des New Balance, on essaie de se reconnecter à la campagne, on fait beaucoup de bénévolat pour oublier qu'on n'a plus assez de boulot pour vivre décemment, on évite le oin-oin pas chic pour les ex-fans des nineties, alors on est les champions de la mauvaise humeur et de l'impolitesse pour compenser, parce que "y'a pas écrit la poste" (référence générationnelle) et que nous, on a vraiment vu jouer sur scène un humoriste qui faisait des blagues sur son propre cancer, alors l'humour "caustique" de France Inter ça nous fait plus rien, on est complètement désensibilisés. On voudrait ben mais on peut point...

J'arrête ici mon mauvais esprit et mes jérémiades. Je suis inquiète pour le théâtre : quels culs vont s'asseoir sur les sièges en velours et les chaises en plastiques si nous, les vieux de demain, on n'y va pas ? 

Ah Ah

Conseil, lire Gen War et écouter l'excellente interview de Mo CDM par Pierre AVRIL sur RAJE www.raje.fr









samedi 6 janvier 2024

Denali , la tragédie

                                                        denali théâtre chronique Théâtrogène Adeline Avril


L'histoire : à Anchorage, de jeunes américains ont assassiné une des leurs pour de l'argent. Le fait est réel, il est encore en cours d'instruction. Qui est coupable, comment cela s'est-il passé, comment, pourquoi ?

Lorsque j'ai vu Denali l'hiver dernier en sortie de résidence à la Factory-théatre de l'Oulle, il m'est apparu évident que je venais de voir quelque chose qui comptait. Quelque chose, oui, je ne peux simplement dire "un spectacle", de cette pièce parce que parfois, l'art vous permet d'expérimenter une distorsion qui dissout les frontières entre les catégories, vous mettez un certain temps à oser catégoriser l'oeuvre. C'est le cas pour Dénali, qui n'est pas une simple "série Netflix" jouée sur scène.

Je ne savais pas alors que je ne serais pas la seule, loin de là, à mettre Denali-la pièce de théâtre, très haut dans mes émotions théâtrales de la saison. J'ai vu beaucoup de pièces - et des très bonnes - et pourtant à ce jour, si l'on me questionne sur celle qui m'a le plus marquée, je réponds sans hésiter "Denali".

Cette réponse n'est pas intellectuelle, et pourtant cette oeuvre originale résiste très bien à l'explication intellectuelle. Le dispositif scénique est non seulement original, nouveau, réfléchi et extrêmement bien pensé et exécuté, mais en plus il amène une contrainte technique supérieure qui a pesé sur les comédiens, la mise en scène, et  contribue à libérer le spectateur de tout effort quant à la suspension de crédibilité, ce fameux pacte qui lie les artistes aux spectateurs. Nous sommes peut-être hypnotisés comme si nous étions en train de binger les épisodes d'un très bon thriller sur un écran et pourtant, c'est en mentaliste des arts vivants que le metteur en scène nous maintient au théâtre, attirant notre attention tantôt côté cour, tantôt côté jardin, selon que les décors changent, les situations aussi. La virtuosité réside en partie dans la discrétion du dispositif.

L'on a beaucoup parlé d'une pièce qui théâtralise les codes du thriller à l'américaine et particulièrement des séries telles que Fargo, qu'affectionne Nicolas Le Bricquir. C'est vrai, mais on l'a tellement dit que je vais me concentrer sur autre chose. En venant voir cette pièce, vous vivez certes une expérience de narration addictive comme un très bon thriller mis en épisodes, mais ne vous y trompez pas, c'est bien de théâtre contemporain qu'il s'agit. Un théâtre qui amène la tragédie contemporaine à un niveau qui nous est de nouveau accessible, sans le truchement de vers shakespeariens. Car Nicolas Le Bricquir aime certes Fargo ou True Story, mais il ne dédaigne par pour autant jouer ou monter Electre, Antigone, ou du Shakespeare. Et cela se voit et se sent quand on prête bien attention aux enjeux qui se révèlent, aux dilemmes et aux alliances qui se nouent au fil de la progression narrative.

En effet, la pièce écrite par Nicolas le Bricquir est inspiré d'un fait divers réel dont le procès est encore en cours, pour autant, ce n'est pas du Ken Loach sur les planches ou du théâtre documentaire. L'idée du tragique, de la survenue du tragique ne s'embarrasse pas de métaphores. On est ici et maintenant, Denali a tué, dans un petit bled d'Alaska où elle s'ennuyait à mourir. Denali rêvait, pas seulement d'une vie meilleure, non, elle rêvait d'une vie waouh !, comme celle des héros de télé-réalité, celle qu'elle croit voir sur certains réseaux sociaux, comme celle que vivent les stars ! Elle s'auto-hypnotise avec des chansons qui prônent la force, la cruauté, le crime, la vie facile, l'argent pour tout horizon. Une forme de no future hyper libéral dans un contexte esthétique hyperpop propre à la génération née dans l'enfer digital des injonction marchandes , "l'hubris pour tous" des stars d'un quart d'heure. Be rich and famous or die ! No matter how ! By all means ! Hustle ! 

Denali n'est pas le mal mais il semble que sous l'influence d'une égrégore médiatique elle va devoir l'incarner dans la pièce.

Vous pouvez vous renseigner sur ce fait divers, cette tragédie de notre époque, mais je ne vous le conseille pas, et quant à moi je ne veux pas déflorer l'intrigue. No spoiler alert here ! Faites le ensuite !

Le plus fou reste que celle qui se cache derrière cette héroïne fatale a réussi son coup : à l'autre bout du monde, elle est devenue l'héroïne d'une pièce de théâtre. Il semble que le fatum, axe de toutes les tragédies soit encore à l'oeuvre dans cette pièce. Quid du libre arbitre ? Qui manipule, qui est manipulé ?

Reste que dans cette tragédie ce n'est pas celle d'une reine ou un roi qui a des dilemmes, ce n'est pas une tête couronnée qui va ourdir un complot pour atteindre ses objectifs, mais des jeunes gens, quasi des enfants, des enfants comme les vôtres, écoutant la même musique, regardant peut-être les mêmes émissions, suivant les mêmes comptes de stars sur les réseaux sociaux.

Denali est admirable et perturbant. La pièce ne dénonce pas, elle questionne et c'est là qu'elle devient redoutable. Construite à la fois comme une enquête et comme une recherche de la vérité, autant que comme une quête de sens : comment "la chose" a-t-elle pu arriver?" , la forme du thriller théâtral nourrit la réflexion autant que l'histoire, et la quête nourrit notre fascination, la même faim de comprendre que nous partageons avec les enquêteurs.

Le dispositif scénique est judicieux. La scène est séparée en deux. L'espace des fragments du réel, de ses traces, à travers des scènes rejouées, les événements tels qu'ils sont racontés, assumés ou non, mais aussi des extraits de conversations par texto, des bribes de films vidéos, des morceaux aussi de l'environnement culturel (pop) des protagonistes...L'espace de l'enquête, des interrogatoires, avec des comédiens qui parviennent à exprimer une réalité de façon très vraie, loin des standards du théâtre (parler fort…) et pourtant clinique comme un huis clos étouffant. On y suit aussi les moment où les "coupables" se rassemblent dans l'appartement d'un personnage, vivant une vie dans laquelle on les voit davantage concernés par les moyens de s'en sortir et de ne pas aller en prison que par la cruauté de leur plan.



Est-ce le procès d'une époque faite d'infobésité, de surmédiatisation, du culte de l'argent porté à son paroxysme ? De l'ennui ressenti par des populations rurales reléguées, peu éduquées, qui ne se nourrissent plus que de fiction et ont perdu le sens de l'empathie ?

C'est une tragédie comme Antigone, Electre, Hamlet, ou le Cid même si l'héroïne de la pièce éponyme n'est peut-être pas aussi sympathique que certains personnages des tragédies connues. Elle n'a pas non plus la vie de ses prédécesseurs ni le luxe de la révolte et c'est aussi cet aspect là de l'histoire qui en fait la richesse. Coupable de crime oui, mais à qui profite le crime? Quelle est la voix sordide qui l'a amenée là ? Quel pacte faustien s'est noué sans qu'elle s'en aperçoive ?

Les voix et textes de stars internationales jouent ici le rôle de sorcières, de démons, inversant le principe de la symbolisation qu'on aime d'habitude à éplucher, étudier, élucider. 

Ainsi le thriller populaire se voit revigoré, de même que la tragédie classique. Les choses sont dites comme elles sont, les faits sont nus comme leurs personnages, on va à l'os et l'on se sent tous concernés. Le fait social n'est pas romantisé ou utilisé pour un combat. 

Je pourrais en parler davantage tant j'ai aimé ce spectacle, mais ce serait contre-productif car mon conseil tient en trois mots : allez voir Denali ! Et suivez de près Nicolas le Bricquir et son équipe, les acteurs, les compositeurs, les techniciens. Je pense que nous ne sommes pas au bout de nos surprises avec ce jeune dramaturge, comédien et metteur en scène qui est, sachez le, un  travailleur acharné ! 


Vous pouvez aussi retrouver, sur Raje, en podcast, les deux interviews qu'il nous a données. La première, notamment, au sortir de sa résidence, au micro de Pierre Avril.

Quant à moi, j'ai eu le bonheur de l'interroger récemment sur la place de la musique dans ses créations et aussi (suspens...) sur ses projets à venir.

Remerciements à Nicolas Le Bricquir et à Lynda Mihoub, attachée de presse et agent artistique, ainsi qu'à Laurent Rochut, de la factory théâtre de l'Oulle, dénicheur de pépites grâce à qui nous avons découvert Denali.

Teaser de Dénali

Emission Le Son Des Planches avec Nicolas Le Bricquir (disponible dès le second jeudi de janvier )

Crédit photo : la factory, studio théâtre Marigny, Agence LM

Pour bien finir l'année (ou presque)

 





Je ne suis pas une personne d'habitude, mais j'ai le goût du bonheur et j'avais envie de garder un dernier bon souvenir de 2023, de finir en somme sur une note chaleureuse, en allant voir une pièce de théâtre qui commence par une scène où un type annonce à une femme, par téléphone, qu'il va se suicider .....

Oui, le goût du bonheur passe par des chemins sinueux, surtout en période de "fêtes".

Donc, je suis allée voir "Meilleurs vœux (ou presque)" au théâtre de l'adresse. C'est un peu comme une soirée en famille sauf qu'au lieu des neveux déguisés, il y a une vraie scène et des vrais comédiens. Ces comédiens, cette compagnie "bien d'ici" ne joue pas la messe de minuit ni la pastorale. Il s'agit de Nathalie Comtat, et d'Olivier Douau, de la compagnie du nouveau monde.

C'est la seconde fois que je bouge mes vieux os un soir de réveillon ou presque, pour aller les réchauffer à leur feu sacré. C'est assez rare pour le signaler. La deuxième fois, donc, que je vais voir leur délirante version de la pièce "Meilleurs vœux" de l'autrice à succès Carole Greep.

L'histoire commence mal pour Antoine. Lassé d'une vie qu'il juge sans intérêt, se considérant lui même comme un homme inintéressant, il a décidé de "sauter le pas" et de mettre comme on dit élégamment "fin à ses jours". 

Antoine, joué par Olivier Douau, est du genre qui rate sa vie à force de la vivre par procuration, de loin, sans s'engager véritablement dans rien. Le voilà donc à un "certain âge", seul et engoncé dans ses habitudes étranges que l'on découvre au fil de l'intrigue extrêmement bien nouée. Ce clown triste, qui semble assez passif, ne se donnera pas la mort avant d'avoir bouleversé le réveillon d'une certaine Sansan, dont nous ne savons rien.

Il laisse donc un message macabre sur son répondeur téléphonique, lui demandant de passer le voir avant qu'il ne se suicide enfin.

Et Sansan, déboule dans sa vie ! Une tornade d'émotions déguisée en poulpe disco. Nathalie Comtat, incarne cette fêtarde invétérée qui a "hésité", quand même, avant de venir puis, "dans le doute", et surtout poussée par ses copains de fiesta, la voilà... Elle est aussi éruptive et chaotique que l'employé falot et déprimé est en sous-régime, résigné. 

Si on a très rapidement l'intuition que ce concentré vital est à lui seul une raison pour rendre à Antoine son goût de vivre, reste en revanche une sorte d'intrigue à dénouer lentement, au fil de la soirée, au rythme des confessions du clown blanc qui mène le bal et des fulgurances, rares de Sansan, dont l'esprit est de plus en plus embrumé par le champagne. 

Sansan est-elle l'objet d'une plaisanterie ? Cet appel au secours est-il un piège ? Qui est exactement Sansan ? Sa vie est-elle aussi fabuleuse qu'elle en a l'air ? Et cet Antoine, d'où tient-il toutes ces informations sur elle ?

Pas de spoiler ici. Avec un peu de chance, vous pourrez voir "meilleurs vœux (ou presque)" l'année prochaine. Je vous le souhaite!



Ce qui séduit dans le spectacle, ce n'est pas seulement la pièce, qui nous permet de rire de sujets sensibles comme le suicide, la solitude. C'est la synergie toujours renouvelée du duo Comtat/Douau.

En jouant avec cette dualité glace/feu, clown Auguste, clown/blanc, ils nous emportent dans les délires d'Antoine qui n'est pas aussi innocent qu'il paraît malgré l'ennui abyssal qui l'habite, et Sansan, jeune femme qui se révèle bien moins superficielle qu'il n'y parait.

La mise en scène n'abuse pas d'effets inutiles, le décor est simple mais signifiant, la scénographie est au service des personnages autant que de l'intrigue. Chaque année l'ensemble se bonifie et gagne en acuité. Car la compagnie du nouveau monde n'attend pas que le public vienne à elle, et propose avec chacun de ses spectacles un art à la fois modeste et ambitieux, en nous invitant à entrer dans des pièces accessibles mais profondes.  "Meilleurs vœux" est une pièce qui fait un écrin à Nathalie Comtat, une comédienne polymorphe qui passe du rire aux larmes comme si sa vie en dépendait. Le rôle d'Antoine, en contrepoint, se révèle peu à peu comme "un caillou dans la chaussure" de Sansan. Au fur à mesure que l'on découvre les failles et petites mesquineries d'Antoine, on découvre aussi la grandeur de Sansan, sa pudeur. Olivier Douau joue parfaitement ce petit diablotin du destin qui se dévoile en artisan démiurge sans perdre sa bouille attendrissante... Tout en laissant à sa partenaire la place principale dans ce turbulent tango de comédiens, il s'immisce en tissant un personnage ambigu comme on peut l'être tous dès qu'il s'agit d'obtenir quelque chose que l'on désire ardemment. Il est le porteur d'humour noir, elle est la porteuse d'une flamme que le champagne va transformer en incendie le temps d'une soirée...

Rendez-vous l'année prochaine.....si tout va bien !


Crédit photo : La compagnie du nouveau monde et partenaires



lundi 18 décembre 2023

Un soir de décembre dans la petite maison du grand clown solitaire : Charly Lanthier à l'Archipel

 La petite histoire d’un homme trop grand est un solo de clown contemporain qui convoque une certaine nostalgie

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En effet, si l’esthétique (inspirée par voyage de Charly Lanthiez en Croatie d'après guerre, il y sept ans) peut nous rappeler celle d’un passé lointain en France ou celle de certains pays de l’Est,  l’histoire, elle, est très contemporaine, même atemporelle, puisqu’elle nous parle des turbulences émotionnelles d’un personnage attachant qui prend les traits d’un géant qui habite une maison en ruines et nous raconte sa difficulté à garder ses amis en vie…


Ne nous y trompons pas, ce n’est pas un énième discours sur les actualités. Lorsqu’on questionne l’artiste sur ses intentions, ce n’est pas de la guerre qu’il souhaite parler en premier lieu. Pour lui, la guerre qui est figurée ici, est une guerre intérieure, que nous devons tous mener afin de ne pas encombrer le monde de brutalité. Cet enfant trop grand est peut-être un adulte qui a gardé son âme d’enfant, et, en tous cas, selon les dires même de l’auteur et interprète, sa taille, immense,  c’est celle des sentiments. Il ressent tout trop fort, tellement fort, qu’il peut écraser sans le vouloir tous ceux qu’il aime.


Voilà pour nous, spectateurs, une invitation typique de la liberté que nous offrent les clowns de nous laisser submerger par notre imagination, quitte à projeter sur les propositions de Charly Lanthiez les métaphores qui nous sont propres et témoignent de nos inquiétudes. En effet, l’un pourra y voir un paysage de guerre, un autre y verra le dessin d’une enfance brisée, une autre le merveilleux auquel on accède quand on sait rester un esprit simple, on peut aussi y voir un travail poétique sur le travail de deuil ou la nécessité de se raconter des histoires, dans un monde mal taillé pour les personnalités hors-normes.





L’histoire se dessine à travers les itérations du langage propres au personnage qui a un mal fou à entrer dans sa propre maison, tant la porte de celle-ci résiste à sa démesure !

En effet, la clef du monde de cet enfant géant écrasé de solitude, c’est ce souvenir d’un temps d’insouciance quand sa mère s’occupait de lui, et lui préparait une soupe au lait. Ce souvenir, ritournelle réinterprétée en permanence, se fait tantôt souvenir mélancolique, tantôt blague, tantôt porte ouverte vers l’autre, puisque ce tendre géant n’a de cesse de se faire des amis, copinant avec quelques spectateurs, tout en les prévenant du risque qu’ils encourent…


Le décors est très réussi, très astucieux et pourtant simple. Tout repose sur deux ouvertures/fermetures : la grande fenêtre ronde qui donne sur l’extérieur, à gauche, et donc sur le danger possible, la porte, trop petite, qui permet de visualiser très vite la dimension “géante” du clown. Une vieille cuisinière à charbon ou à bois est aussi d’importance. C’est sur elle que la maman faisait la soupe au lait . C’est le feu de la mère, la chaleur et….Vous verrez….

La lumière est très importante, toujours pauvre, donnant une ambiance à la Dickens, proche aussi parfois du conte.

Quant aux accessoires et costumes, là aussi ils comptent pour beaucoup dans cet univers un peu trash et poétique qui nous happe. De grandes oreilles, une redingote du 19ème toute empoussiéré, un casque de soldat un peu vert de gris…Un pantalon déchiré qui laisse apparaitre les pieds nus de ce pauvre hère qui ne se plaint jamais et tente au contraire de nous séduire, de nous raconter des blagues et même de nous protéger d’un certain Serge, qui, tel Godot, ne se montre jamais !

Lorsqu’on a la chance de rencontrer l’interprète, on mesure tout le travail de construction de son personnage !

Il s’est totalement fondu dans le cœur de ce géant abîmé, presque une gueule cassée, et désespérément seul ! La magie opère : nous avons voyagé dans une dimension supérieure du sensible !





Quand on regarde le parcours de la compagnie du U, qu’il s’agisse d’un tour du monde à vélo, d’une tournée de duo de clowns en Took-took au Vietnam, ou de leur appétence pour l’humain fragile ( ils sont clowns d'hôpital) et toute l’attention que ses membres portent à la différence en tant que richesse, on comprend que les chemins faciles ne les intéressent guère mais qu’ils prendront soin de nous permettre d’appréhender les sujets les plus complexes de façon fine, douce et poétique.


Ce solo de clown peut être vu par des humains sensibles âgés de 8 à 108 ans !

Que le clown soit avec vous en cette saison de fêtes de fin d’année !









La petite histoire d’un homme trop grand

Teaser

70 minutes à partir de 8 ans

Compagnie du U

Interprète: Charly Lanthiez

MES: Joris Carré

Première de presse le 17 décembre :Théâtre de l’Archipel

AP: Dominique Lhotte

Décors: JL Dalloz

Son: Julien Boé

NB : crédit photo 1 et 2 : Dominique Lhotte /Photo 3 : Compagnie du U




samedi 11 novembre 2023

JOURNIQUE D'AUTOMNE



     Vivre dans une petite ville de province qui accueille un événement d’envergure, c’est amusant. On y a les mêmes joies et les mêmes déconvenues qu’ailleurs mais le café en terrasse augmente chaque année, chaque année il est plus difficile de se garer. Selon l’obédience de la mairie et l’air du temps, la ville compte plus où moins de miséreux visibles ou de pauvres invisibles. Il y a plus ou moins de problèmes de salubrité et de sécurité, il y a plus ou moins d’arbres, plus ou moins de travaux, de transports en commun, de mobilité décarbonée et d'évènements plus ou moins culturels et inclusifs.

Mais surtout, il y a des célébrités. Il y a en a tant qu’à force vous les voyez à peine parce qu’à dire vrai, à Avignon, à moins de recevoir Brad Pitt ou les BTS, personne ne va s’attrouper en hurlant autour d’un autre nombril que le sien, où alors c’est que j’ai manqué des événements mémorables. Un footballeur aurait davantage de succès, pourtant, Avignon, c’est la ville du théâtre.

Mais voilà, les stars du théâtre ont le glamour discret et les stars de la télévision ou du cinéma qui font aussi du théâtre, on les ramasse à la pelle et souvent, elles se ramassent elles-mêmes. Bref, on ne les voit même plus, à force.

Non que la célébrité nous laisse de marbre. Il n’est rien de plus agréable pour une star de la télé que de venir ouvrir un théâtre par chez nous. Elle sera assurée de trouver une cour dévote et sincère, et un public captif espérant des invitations bien que n’étant d’aucune presse. Le public payant c’est plutôt en été. Heureusement, les consommations de liquide aident à combler le manque à gagner. Car la plupart du temps les vedettes comme les stars et même les phénomènes médiatiques, non seulement font caca comme vous et moi, mais ils ont aussi des charges à payer, d’autant que c’est un peu comme les grosses berlines d’autre fois : elles brillaient plus que votre petite voiture mais elles demandaient aussi plus d’entretien et engageaient des frais exorbitants. Faisant partie des pique-assiettes du show-bizenesse décentralisé, je m'achète ici un peu de crédit-empathie.

Ainsi, Avignon reçoit non seulement des “pointures” du théâtre dans le in comme dans le off, mais elle reçoit aussi des personnages de feuilletons quotidiens, de films policiers de terroir, des humoristes qui sont passés à la télé, des musiciens qui sont jurys dans des radio-crochets. Il y a aussi beaucoup de gens qui sont cousins/cousines d'unetelle qui est célèbre, et ne nous mentons pas, c'est un peu le seul moyen que les entrepreneurs du spectacles ont de faire venir des vauclusiens en centre ville. Je pense qu’un jour on recevra aussi des personnages de jeux vidéos et de dessins animés. Enfin j’espère ! J’aimerais bien savoir si Albator a bien vieilli, si les lapins crétins sont aussi crétins dans la vraie vie, si Totoro a maigri, bref, la vie, la vraie….

Avignon serait beaucoup moins drôle sans ses célébrités de tous les genres et de toutes les tailles. Les amis des célébrités, sont un peu, aussi, des célébrités ! Et nous on est tous l'ami de l'ami d'une amie de quelqu'un qui, à un moment de sa vie, a connu quelqu'un qui a rencontré Michel Druker ou la famille de Gérard Philippe! CQFD

    Les politiques y viennent aussi. Il y en a de tous les bords même s’il faut bien avouer que la culture assume franchement sa préférence pour les subventions de gauche, dans la mesure ou les subventions de droite, déjà, on ne sait pas très bien si ça existe (ouh la menteuse !) et que la culture, c'est de gauche, c'est un horizon indépassable, cette gauchité, me dit-on dans l'oreillette. En tous cas, si vous cherchez à financer une performance dansée et criée avec des femmes transsexuelles nues qui tapent sur des bambous et lancent des chaises sur le public, c'est plus facile avec une mairie de sensibilité dite "progressiste". Surtout si il y a dans votre projet une dimension sociale inclusive voire pédagogique ou écologique (démerdez-vous!)

La politique, c’est le sujet qui fâche, disait ma grand-mère… Plus maintenant. Maintenant on se fâche sur les réseaux sociaux, mais dans la vraie vie, on est très chouette, souriant, calme, liquide et affamé, à part quelques hurluberlus encore abonnés à Spoutnik qui pensent que la politesse ce n’est pas un lubrifiant social qui aide à vivre ensemble mais un ensemble de conventions bourgeoises aliénantes. Ceux là, on les reconnait vite, en général ils dirigent des structures à vocation socio-culturelles et ils ricanent comme des cow-boys regardant un pied tendre entrer dans un saloon dès qu'un new guy is dans la ville. Oui je sais j’ai trop lu Lucky Luke et j’ai une passion pour Jolly Jumper. Eux, d'accord, ce ne sont pas des stars, mais bon, quand même, respect, ce sont souvent des darons. Ils ont fini par devenir les notables qu’ils rechignaient à adouber dans leur jeunesse. Pas très souriants mais utiles parce qu’eux, ils sont ici à l’année. Quand il fait froid, c’est dans leurs chapelles à pendrillon, leurs cinémas engagés qu’on voit du feu et qu’on entre l’hiver.

Question politique, il y a aussi le sujet “faut-il rire ou pleurer ?” qui récure (il est récurrent) : ce sont les anciennes célébrités qui se sont recyclées dans la polémique pour ne pas dire le platerrisme/terreplatistme et autres inquiétantes bizarreries en isme. Deux gros dossiers nous occupent en juillet, à Avignon: l’un porte des cuissardes, l’autre est à demi-breton. Eux aussi, autrefois, ils avaient du talent. Ils veulent revenir croquer la bonne pomme de la cité papale. Je ne les nommerai pas, je préfère encore dire Candy man trois fois ou Voldemort Voldemort Voldemort…. En jetant du gros sel par dessus mon épaule....

Bref, à Avignon, on ne s’emmerde pas tous les jours, surtout si on a l’insigne honneur d’être invité aux conférences de presse. C’est facile, il y a si peu de presse, qu’il suffit d’ouvrir un blog (dont acte) et de prouver qu’on est bien à la retraite (là, j'avoue, ça fait du bien : je suis trop jeune), ça passe crème !

Donc, si vous aimez les conférences de presse ne vous gênez pas, d’autant que les 3 véritables (journalistes porteurs d'une authentique "carte de presse") de la région ont souvent bien mieux à faire. Donc il y a toujours des places pour écouter les politiques de toutes les strates des territoires venir très maladroitement expliquer que x ou y est un ami de longue date et qu’on lui a pour son talent indicible (d’ailleurs on en parlera pas) alloué quelques centaines de milliers d’euros. Là, c’est la course, tous les présidents du territoire se battent pour avancer le chiffre le plus fou, comme s’ils le sortaient eux-mêmes de leurs poches. Et il faut savoir que c’est toujours le plus mauvais orateur qui parle le plus longtemps et essaie de faire des blagues en tutoyant l’artiste ou l’organisateur ou patron de théâtre qu’on était venu écouter pour connaître enfin le programme. C’est cette personne, d’ailleurs, la seule professionnelle, artiste le plus souvent, qui parlera le moins. Mais c’est aussi la personne dont les autres zozos avaient besoin pour appuyer sur la télécommande qui déclenche le Powerpoint. Dans les arts vivants il faut être polyvalent. Le même vous serrera la pince en ayant l’air de vous avoir reconnu alors que c’est la première fois que vous venez et vous servira même peut-être une coupette de champagne (et fera même les vitres après si ça se trouve) pendant que les stagiaires se fichent intelligemment de la gueule des invités et checkent leurs Iphones.


Oui, vivre à Avignon, c’est intéressant. Parce qu’il y a non seulement les vraies célébrités (de toutes tailles de notoriété…) mais aussi des tas de personnes qui fréquentent les célébrités et se selfisent avec ou pas mais le font savoir. Certains se déguisent même en célébrités. (Combien de faux Jean-Michel Ribes peut-on croiser en une journée de festival ?)

Combien de faux Philippe Caubère saluerez vous tout en passant à côté d’un Denis Lavant qui se fond dans les murs, d’une Myriam Boyer qui prend des selfies dans la rue des teinturiers, l’air de rien ? Ariane Ascaride qui est comme à la maison mais ne tient pas à être reconnue ? Puis-je évoquer certaines attachées de presse qui couinent plus que leurs protégés ?

Qui aura reconnu l'athlétique boss de la comédie française marcher d’un pas rapide en claquette ? Jacques Weber, lui est trop grand, trop Jacques Weber, on ne peut pas le rater.


Ne me demandez pas de parler des stars de la téléréalité, même celles qui finissent par être sur les affiches pour un stand-up ou un seul en scène, je ne les connais pas. Et comme dirait Paul Ricoeur, si on ne connait pas on ne reconnaît pas (ici, c'est la seconde intellectuelle, la seconde pas plus, promis)


Donc voilà, à Avignon, il y a des stars, des fausses stars et aussi beaucoup de professeurs qui viennent faire des stand-up ou des “seuls en scène” “pédagogiques”. Des youtubeurs, aussi, parfois les deux en même temps. Parfois ce ne sont pas les pires. Parfois. Il y a aussi les grands traumatisés: qui a survécu à un tsunami, qui a survécu à des micro ou des macro-agressions, qui a sa maladie orpheline, qui s’est mis à la boxe, qui a perdu son chat, qui a changé de sexe, qui a fait un burn-out ou bien tout à la fois… Honnêtement, je ne sais pas si c’est l’effet "réseaux sociaux", avec les citations de Nietzsche qui nous donnent à tous l'impression d'avoir soudain une agrégation de philo, mais c’est clair, le savoir est devenu sexy, et la dimension pédagogique tient le haut du pavé. Les témoignages et les biographies de grands personnages, voilà aussi deux niches tellement grandes qu’on ne sait plus si on doit les appeler des niches tant ces niches sont exponentiellement élastiques.


Donc si vous êtes un prof malade et/ou traumatisé qui cherche à se reconvertir en saltimbanque tout en s’identifiant à…Marie Curie…Ne lâchez pas l’affaire, le festival off c’est pour vous…Vous pouvez nous la faire en tragique et lacanien, ce sera du théâtre expérimental (risque d’article dans Télérama) ou humoristique (risque d’article dans Vaucluse Matin), mais, en tous cas, si vous avez assez de revenus pour que votre banquier vous octroie un crédit raisonnable afin de louer une salle intra-muros, vous avez toutes vos chances de vous trouver un public dans un théâtre de 49 places. Voyez ça comme des vacances actives, un peu comme le woofing, mais au lieu de travailler à la ferme, il faudra tracter toute la journée sous le cagnard à 40°, boire beaucoup de Pac à l’eau et bien sûr jouer, aussi, durant le créneau que vous aurez pu vous payer. Vous vous ferez plein de copains sympas, on vous paiera des coups, ce sera une belle expérience de vie et il y aura toujours quelqu’un de gentil qui vous dira que vous avez du talent et une attachée de presse pour vous taper mille balles et vous obtenir des articles de blogs qui ont 3 lecteurs.


Je me demande d’ailleurs si le seul en scène pédagogique n’est pas une alternative à l’éducation nationale… Ludique, granularisé (attention, jargon métier: éléments de savoir concassés en très petits morceaux pour être compréhensibles et digestibles), fédérateur…Les programmateurs ne s’y trompent pas , une tournée en milieu scolaire pourrait bien vous tomber dessus.


Avignon ville de culture, ville d’enseignants, vitrine des élus et cadres sup de l'état. D’ailleurs le public des festivals se recrute en majorité dans ces CSP. A l’année, des tas d’expositions, performances et autres sont organisées par des artistes…qui sont en réalité des profs de... collège. Ils ont peur, ils font un métier dangereux, mais ils ont du temps ! C’est un public très courtisé : ils font vivre les expos, les musées, les événements qui répondent à un appel d’offre public qui contient des mots clés (environnement, différence, inclusif, pour tous, éducation, mixité, minorités, vivre ensemble, arbres, eau, culturel), ils sont les grands pourvoyeurs de public “frais” pour les théâtres, aussi, et les cinémas. Cela s’appelle peut-être “la société de la connaissance” ou l’amélioration continue. C’est comme chez Disney, on s’amuse et on apprend (pas taper pas taper). N'hésitez pas à réserver votre AirbnB un an à l'avance si vous voulez réviser vos bases de Maths, d'histoire de l'art, d'anatomie ou préparer votre prochain séjour en Italie avec une cadre commerciale qui vous apprendra avec son accent charmant à faire les pattes sans crème fraîche (merde, on est pas des normands!), vous pouvez même apprendre par cœur, en groupe, un sonnet de Shakespeare avec le directeur du In.


On se demande bien comment c’est possible que le niveau de culture générale soit aussi bas avec toute cette merveilleuse offre culturelle. “La faute aux réseaux sociaux, on scrolle, on zappe d’hypertexte en hyperlien, on ne retient rien ? Ou alors c’est qu’on part de si bas…” Je vous laisse poser vos hypothèses...


Parfois, aussi, dans certains endroits, il y a de vraies pièces de théâtre, avec des mots, du sens, des personnages, une mise en scène, de la lumière, un décors, une idée qui n'est pas le remake d'un film ou d'un documentaire... Il y a même des théâtres dans lesquels en plus on est bien assis et bien reçus, et la compagnie qui joue, en plus, est contente d'être là. Jackpot !


Faites un petit exercice d'imagination. Imaginez qu’une telle, qui parle au premier degré, soit en train de faire un discours au deuxième degré, si vous êtes capable de cela, vous êtes le roi du monde. Vous aimerez Avignon et vous aimerez la vie. Ce sera sur un malentendu, mais bon, qui n’a pas fait de petits arrangements avec la réalité, hein ? C’est ça la magie du théâtre : un perpétuel malentendu. Est-ce nul, est-ce génial ? Si vous avez dans votre entourage un habitué de l’art contemporain, demandez- lui des astuces : il comprendra tout de suite de quoi vous parlez. On rit/on pleure. On apprend /on se distrait. Pour vous faire une idée, visitez la collection Lambert: un chef d'œuvre, un dilemme, un chef d'œuvre, un bug subventionné, un presque chef d'œuvre, un “truc”, re “un chef d'œuvre", etc. C’est une bonne préparation. C’est un très bon exercice pour tester votre plasticité neuronale ou la développer. Si vous craquez, pas d’angoisse ! Dans la région, même l’hôpital psychiatrique est chic : on y interna de force autrefois cette pauvre Camille Claudel, il y a aujourd’hui de nombreux ateliers créatifs à votre disposition…


Si X joue au In c’est intellectuel, si X joue au Off le risque du divertissement affleure. Oui, même si c’est le même spectacle fait avec exactement la même équipe. Vous ne pouvez pas comprendre. C’est un peu comme le sketch des inconnus avec le bon chasseur et le mauvais chasseur…..Au In, on est (bien) payé pour jouer, au Off, on paie pour jouer….Ce n’est pas du tout le même business model…Le plus drôle c’est qu’à part le business model et les effets secondaires de Airbnb, au fond, pour ressentir la folie et la bohème du In d’autrefois, le In vintage, il vaut mieux venir au Off. Parce qu’au In, le bourgeois vient se faire secouer (c’est écrit dans le contrat) mais s’il est secoué un peu fort il crie “aïe” -ici je vous conseille de rechercher (ou vous voulez, je ne suis pas votre mère) quelques exemples d' “incidents” ayant eu lieu durant le In en 2023.

Moi, j’aime bien les mélanges : In/Off/PMU, tout me va !


Avignon, c’est aussi une ville chouette grâce à ses polémiques. Dans le monde il y la guerre, la pollution, la torture, la faim etc….

A Avignon, c'est un peu différent, il y a des préoccupations de type: le stand-up c’est le niveau zéro du théâtre, moi ce que j’aime dans le théâtre populaire c’est quand on ne s’amuse pas. Il y a le bon théâtre populaire et le mauvais théâtre populaire (Jean Vilar mal digéré, ou les Inconnus?), il reste encore pas mal de théâtres et d’églises désacralisés à transformer en théâtre, tiers-lieu, et autres scènes, là je verrais bien un roof-top immersif avec sieste musicale…. Je pense investir dans une cave pour la louer sur Airbnb en juillet... Ou la niche du chien, après tout, c'est très "concept" pour la catégorie "atypique", autant ça marche... L’association du Off mérite-t-elle la fessée ? Les blogueurs ont-ils leur place au club de la presse ? Est-ce qu’on a le droit de faire un théâtre éphémère dans une yourte ? Le théâtre engagé est-il chiant ? Le théâtre non engagé a-t-il le droit d’exister ? Pourquoi la mairie n’envoie-t-elle pas des employés municipaux pour couper les herbes qui poussent sur les trottoirs ? C'est quoi ça, une poubelle, le clochard qui brûle, c'est une performance? Doit-on exécuter les avignonnais qui ne roulent pas en vélo ? N’y a-t-il que des profs, des artistes et des cas sociaux à Avignon ? (si c'est la diversité qui vous fait tripper, vous en trouverez un peu sur les planches-surtout au In), aventurez vous hors des ramparts). Est-ce corrélatif (pause pipi) ? Tiens, il y a avait un théâtre à cet endroit, avant, tu es sûr ? Là aussi ? C'est quoi, ça, un restau ou une friperie? L'IA va-t-elle remplacer les acteurs de doublage? Les théâtres historiques enlèvent-il vraiment la signalétique des théâtres "importés" de la Capitale? (Hercule Poirot est sur le coup.) Est-il avouable d’habiter extra-muros? Quand tu fais la manche, faut-il demander directement 2 euros ou 1euro 99, ou alors carrément laisser les gens choisir? Est-ce que les journalistes parisiens vont voir, parfois, des spectacles extra-muros ? Bonjour, est-ce que vous avez de la ginger beer? Tiago Rodrigues est-il vraiment Tiago Rodrigues ? Y a-t-il un lobby portugais qui avance à bas bruit avec des intentions coloniales?

Et encore tout un tas de trucs passionnants….Sur les Chemtrails, la vie extra-terrestre après la mort, le bon népotisme et le mauvais népotisme, etc…..



Avignon est une ville d'environ 90 000 habitants qui a ses Universités, son aéroport, son tram (a failli avoir son métro), une gare TGV et une gare ordinaire. Des monuments historiques, des collections d'art, des musées municipaux gratuits, des boutiques de tourismes, beaucoup de carrefour city, d'épiceries de nuits qui vendent surtout de l'alcool. Des voiturettes électriques (baladines), des tchouk tchouk comme en Indes, avec un jeune esclave qui pédale pour vous. Bientôt les chaises à porteur ? Nous avons notre PEM qui facilite les allers-retours de pôle emploi jusqu'aux zones commerciales, de la CAF à la patinoire, de mon HLM à l’hôpital ou à la déchetterie. Des SDF pour tous les goûts et toutes les sensibilités -jamais en très bonne état, on voit bien qu'ils ont déjà servi- dont le nombre augmente à vue d'œil et qui agonisent parfois au pied des monuments historiques comme autant de “vanités” qui vous rappellent que la vie de consommateur est fragile. Parfois un être humain se soucie de savoir si oui ou non, ça bouge encore à l’intérieur. Nous avons aussi nos dealers en Ferrari, nos kékés cys et LGBTQH+ (c'est ça le progrès : attentions ici marques de luxe ), nos aristocrates en chaussettes-claquettes, nos quadras mal rasés en costard et basket, avec des lunettes destructurées, nos émules d'Iris Apfeld et celle de Christina Cordula, nos sectes importées des états unis, nos boîtes à livres pas du tout étanches, nos handicapés à roulettes qui restent devant la porte des théâtres et autres lieux inclusifs qui n’ont pas jugé utile de s’équiper d’entrées PMR. Nos teufeurs à chien (super polis, on dirait que certains ont fait un BTS force de vente), nos femmes roms déguisées en musulmanes pour pouvoir faire la manche (cf études sociologiques avant de me traiter de nom d'oiseaux, renseignez vous). Nos rebelles “radicaux” et antisystèmes qui ne crachent pas sur une petite subvention, une résidence d’écriture, un sponsor de bière bio brassée sous les aisselles ou de grossistes de CBD d'importation suisse. Nos jeunes habillés comme nos grands parents qui nous tolèrent, nous autres "les boomers" et parfois même nous laissent la place dans le bus quand on est plié.e.s en deux, claudiquant et munis d’au moins une canne. Nos festivals électro avec gobelets "verts" consignés et label "écoresponsable", mais nous explosent les oreilles avec leurs décibels bio synapsophages, nos machos affichant leur féminisme de circonstance, nos féministes à frange qui prone la sororité inclusive entre femmes de moins de cinquante ans, notre délinquance en col blanc, notre délinquance en baskets, nos Macdonald, KFC, nos boulangeries Marie Blachère elle est pas bonne mais elle est pas chère, nos poubelles inflammables, notre signalétiques aléatoire, nos cyclistes à contresens, nos trotinettes qui marchent au redbull etc.

Oui à Avignon, on a TOUT absolument TOUT comme ailleurs en France et probablement dans le monde! Alors je cesse ici ma liste car elle me fatigue moi-même. Parce qu'à Avignon comme ailleurs en France, on râle, comme des enfants gâtés et on se dispute le "privilège du cœur". Sauf pour ceux qui sont au RSA quand il y a un bug informatique qui "gèle les allocations" #démerdetoiavecça" (mais, ça, ce n'est pas théâtral, ce sera peut-être l'objet d'un autre billet, un jour, en plus si ça se trouve, le responsable du bug est un très fidèle consommateur d'art vivant et je ne veux pas me faire d'ennemi.e.s, moi aussi je suis un.e honnête parasite cuturel.le comme les autres, hein! #enmêmetemps).

A Avignon, la vie est belle parce qu’on a un fleuve qui est rarement en crue (attention, en ce moment, risques sérieux de débordement, quand même), un climat d’enfants gâtés, des idéalistes qui ne sont pas toujours à côté de la plaque. Des méchants pas trop méchants. On a aussi des airs d'Italie, d'Espagne, de Portugal, du Maghreb, des Nems, du curry (pas wurst), du bissap dans les soirées, des Kebabs et de la daube végétarienne, de la paella sans moules, des pizzas à la banane plantain... Et surtout parce qu’on n’a pas besoin de voyager puisque le monde entier vient nous casser les bonbons en échange de ses biftons. On est les papes du tourisme, avec notre gros gâteau pointu et sa ceinture de pierres, nos rues pavées, nos parcs tous mignons, nos magasins fermés déprimants, nos défilés thématiques avec de grandes marionnettes, nos presses qui ferment parce que les loyers augmentent, nos péniches new-âge, nos écoles d'art, nos baronnets, nos héritiers, nos oliviers, nos lavandes, nos déambulations artistiques, notre canicule, notre mairie sous-tutelle, notre demi-point et les rumeurs de téléphérique.... Et pis nous autres, les anonymes un peu fêlés, les mamies en trottinettes, les abonnés de la bibliothèque, les revenus de tout, les venants les partants, les exilés de la couronne que le ciel bleu ne console pas...


dMeine Damen und Herren, kommen Sie herein und begrüßen Sie in der Menagerie

                                                            Adeline Avril







Mephisto Valse/Plus qu'un exercice de style "pour rire" : le 21ème siècle en alexandrins

 Méphisto Vu au théâtre de l'étincelle La délicieuse surprise où l'histoire du talent des voisins.... Je ne vous mentirai pas : les ...