Je ne suis pas une personne d'habitude, mais j'ai le goût du bonheur et j'avais envie de garder un dernier bon souvenir de 2023, de finir en somme sur une note chaleureuse, en allant voir une pièce de théâtre qui commence par une scène où un type annonce à une femme, par téléphone, qu'il va se suicider .....
Oui, le goût du bonheur passe par des chemins sinueux, surtout en période de "fêtes".
Donc, je suis allée voir "Meilleurs vœux (ou presque)" au théâtre de l'adresse. C'est un peu comme une soirée en famille sauf qu'au lieu des neveux déguisés, il y a une vraie scène et des vrais comédiens. Ces comédiens, cette compagnie "bien d'ici" ne joue pas la messe de minuit ni la pastorale. Il s'agit de Nathalie Comtat, et d'Olivier Douau, de la compagnie du nouveau monde.
C'est la seconde fois que je bouge mes vieux os un soir de réveillon ou presque, pour aller les réchauffer à leur feu sacré. C'est assez rare pour le signaler. La deuxième fois, donc, que je vais voir leur délirante version de la pièce "Meilleurs vœux" de l'autrice à succès Carole Greep.
L'histoire commence mal pour Antoine. Lassé d'une vie qu'il juge sans intérêt, se considérant lui même comme un homme inintéressant, il a décidé de "sauter le pas" et de mettre comme on dit élégamment "fin à ses jours".
Antoine, joué par Olivier Douau, est du genre qui rate sa vie à force de la vivre par procuration, de loin, sans s'engager véritablement dans rien. Le voilà donc à un "certain âge", seul et engoncé dans ses habitudes étranges que l'on découvre au fil de l'intrigue extrêmement bien nouée. Ce clown triste, qui semble assez passif, ne se donnera pas la mort avant d'avoir bouleversé le réveillon d'une certaine Sansan, dont nous ne savons rien.
Il laisse donc un message macabre sur son répondeur téléphonique, lui demandant de passer le voir avant qu'il ne se suicide enfin.
Et Sansan, déboule dans sa vie ! Une tornade d'émotions déguisée en poulpe disco. Nathalie Comtat, incarne cette fêtarde invétérée qui a "hésité", quand même, avant de venir puis, "dans le doute", et surtout poussée par ses copains de fiesta, la voilà... Elle est aussi éruptive et chaotique que l'employé falot et déprimé est en sous-régime, résigné.
Si on a très rapidement l'intuition que ce concentré vital est à lui seul une raison pour rendre à Antoine son goût de vivre, reste en revanche une sorte d'intrigue à dénouer lentement, au fil de la soirée, au rythme des confessions du clown blanc qui mène le bal et des fulgurances, rares de Sansan, dont l'esprit est de plus en plus embrumé par le champagne.
Sansan est-elle l'objet d'une plaisanterie ? Cet appel au secours est-il un piège ? Qui est exactement Sansan ? Sa vie est-elle aussi fabuleuse qu'elle en a l'air ? Et cet Antoine, d'où tient-il toutes ces informations sur elle ?
Pas de spoiler ici. Avec un peu de chance, vous pourrez voir "meilleurs vœux (ou presque)" l'année prochaine. Je vous le souhaite!
Ce qui séduit dans le spectacle, ce n'est pas seulement la pièce, qui nous permet de rire de sujets sensibles comme le suicide, la solitude. C'est la synergie toujours renouvelée du duo Comtat/Douau.
En jouant avec cette dualité glace/feu, clown Auguste, clown/blanc, ils nous emportent dans les délires d'Antoine qui n'est pas aussi innocent qu'il paraît malgré l'ennui abyssal qui l'habite, et Sansan, jeune femme qui se révèle bien moins superficielle qu'il n'y parait.
La mise en scène n'abuse pas d'effets inutiles, le décor est simple mais signifiant, la scénographie est au service des personnages autant que de l'intrigue. Chaque année l'ensemble se bonifie et gagne en acuité. Car la compagnie du nouveau monde n'attend pas que le public vienne à elle, et propose avec chacun de ses spectacles un art à la fois modeste et ambitieux, en nous invitant à entrer dans des pièces accessibles mais profondes. "Meilleurs vœux" est une pièce qui fait un écrin à Nathalie Comtat, une comédienne polymorphe qui passe du rire aux larmes comme si sa vie en dépendait. Le rôle d'Antoine, en contrepoint, se révèle peu à peu comme "un caillou dans la chaussure" de Sansan. Au fur à mesure que l'on découvre les failles et petites mesquineries d'Antoine, on découvre aussi la grandeur de Sansan, sa pudeur. Olivier Douau joue parfaitement ce petit diablotin du destin qui se dévoile en artisan démiurge sans perdre sa bouille attendrissante... Tout en laissant à sa partenaire la place principale dans ce turbulent tango de comédiens, il s'immisce en tissant un personnage ambigu comme on peut l'être tous dès qu'il s'agit d'obtenir quelque chose que l'on désire ardemment. Il est le porteur d'humour noir, elle est la porteuse d'une flamme que le champagne va transformer en incendie le temps d'une soirée...
Rendez-vous l'année prochaine.....si tout va bien !
Crédit photo : La compagnie du nouveau monde et partenaires
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire