Méphisto
Vu au théâtre de l'étincelle
La délicieuse surprise où l'histoire du talent des voisins....
Je ne vous mentirai pas : les vers, je les aime grillés, avalés, mis en veilleuse à quelques exceptions près : quand ils se moquent et ne me regardent pas de haut ! Quand ils sont légers, si légers qu'on oublie qu'ils sont des vers !
Oui, quand ils se rapprochent de l'écriture à contrainte. Il en va pour moi des alexandrins comme de la lettre e, de l'OULIPO, des calligrammes.
En ce sens, à mes oreilles les alexandrins se prêtent bien à la comédie et la plupart des exercices de style percussifs aussi.
Qu'on les utilise pour écrire une farce dite contemporaine, c'est à dire sans costumes et sans références littéraires poussives avait de quoi m'intéresser.
La farce en soi est un exercice que je tiens pour terriblement difficile et je me suis retrouvée à l'Etincelle avec mon billet pour les alexandrins seulement, ne m'attendant pas à ce que cette compagnie pousse la gourmandise jusqu'à respecter la forme même de la farce. La troisième surprise fut pour moi d'apprendre que la compagnie est sise à Morières, autant dire que ce sont des voisins. Je n'ai jamais douté que des talents fourmillent dans la garigues malgré le fort soleil censé nous gâcher les neurones et nous réduire à de grosses langastes alcoolisées fières de leurs barbecue, il y a toujours eu des esprit fins et espiègles sur cette terre où la mare nostrum étend sa main griffue. Mais souvent ils se cachent.
Or voilà que je découvre un nid de dinguerie inspiré par la Mephisto Waltz de Lizt, un ouvrage ma foi fort bien tourné, interprété, dirigé !
Tout commence avec cet écrivain qui veut écrire une pièce contemporaine, mais en alexandrin. Mariés à sa metteuse en scène, les voilà discutant sur l'éternel canapée cher aux comédies de genre.....Voilà qu'un type fort curieusement habillé, mi toro mi torero clinquant apparaît dans leur dos.... Eméché , le couple pense tout de suite à une farce et se paie sa tête....Concours de vannes ....en alexandrins, s'il vous plaît !
Voilà lancé l'improbable objet théâtral qui va vous mené par le bout de l'oreille. Peut-être aurrez vous remarqué que sur la droite de la scène, il y a un lit. Elément importantissime où bien des tours de magie noire vont se jouer.
Je regrette d'avoir vu cette excentricité merveilleuse en fin de festival seulement car j'aurais su y pousser mon entourage et même davantage.
Donc sachez-le, avec un peu d'humour et sans aucun complexe, l'alexandrin coule dans les oreilles comme le bon champagne dans mon gosier de bon vivant et la compagnie se charge de vous faire valser d'un acte à l'autre avec une irrévérence élégante.
Tout de même, il fallait oser !
Il y a une véritable histoire, un enchevêtrement d'imbroglios que le talent de l'auteur rend probables puisqu'il nous a emmené sans effort sur la barque de la suspension de crédibilité. C'est un plaisir coupable que de se régaler d'une farce inutilement rédigée dans le labeur précieux de l'alexandrin et cela ajoute à la fête. Car tout ceci n'est qu'une ode au plaisir pur.
De quiproquos en gymnastique anachronique et autres contrepèteries de bon aloi, emmené par ces dialogues d'une fluidité qui laisse aux acteurs toute la latitude de jouer comme des petits fous, on termine chaque acte sur un improbable twist qui nous asseoiffe, nous qui courons pourtant d'un mauvais siège à l'autre entre deux pac à l'eau ou deux embrassades gluantes.
Et pourtant....Je l'avoue, la simple idée d'associer systématiquement Méphisto ou le mal à une harmonie de rouge et de noir me donne de l'urticaire et c'est dans la part "costume" que j'aurais pu lâcher la rampe malgré l'humour et le 3ème degré de la mesure. Mais j'étais ferrée et je me suis laissée faire, par les inconscients dindons de la farce autant que par Mephisto lui-même et sa supérieure, Death, qui s'inquiète du goût soudain que son employé se découvre pour les humains. Par le truchement du métamorphe voilà que l'enfer s'attache à notre pauvre espèce après avoir goûté le meilleur de la condition humaine.
Je ne vais pas m'avancer plus. Cette pièce a de beaux jours devant elle et serait un bel exercice, en plus, pour de jeunes comédiens.
Souhaitons à cette compagnie talentueuse et trop modeste le succès qu'elle mérite.
Adeline AVRIL
Description :
Arthaly Cie est une compagnie théâtrale vauclusienne professionnelle située à Morières-lès-Avignon, fondée en 2014.Surprendre, émouvoir, interroger, imaginer…
Ses travaux ont été orientés jusqu’à présent vers des textes contemporains.
Quatre créations ont vu le jour depuis l'origine dont les trois premières mises en scène par François Brett :
A Montmartre cette année-là, comédie musicale pour onze comédiens, texte et livret écrits par François Brett sur des musiques originales d'Eric Breton ;
Jeux de scène, pièce de Victor Haïm pour deux comédiennes (Molière de l’auteur en 2003) ;
Lettre à Monsieur le futur président de la République-conte de Noël, de Gérard Gélas, théâtre citoyen : texte est interprété par Franck Etenna ;
Méphisto valse, comédie baroque contemporaine en alexandrins de François Brett (deux comédiennes et deux comédiens), mise en scène par Geneviève Brett.