Réponse Sexuelle
Au Figuier Pourpre à 16H30
Relâche les 10, 17 et 24 juillet
Un théâtre de femme savante qui tord le coup aux attentes.
Marine Fabre, autrice surdouée aurait pu choisir pour sa pièce de nous engluer dans un surplomb vexant, nous noyer dans des démonstrations embarrassantes. Mais précisément parce qu'à 25 ans à peine elle nous présente ici la pièce la plus "écrite" d'un théâtre contemporain émergeant à Avignon, elle tord le cou aux attentes que nous pourrions avoir. Poète, philosophe et psychanalyste de formation, l'écriture n'est pas son hobby mais plutôt sa nature.
Elle a déjà le recul nécessaire pour se livrer à l'un des exercices les plus casse-gueules du théâtre : la comédie satyrique. Et c'est ainsi que malgré les prérequis en filigrane, tout un chacun peut se laisser aller, dans certaines scènes, à rire à gorge déployée tout en entendant parfaitement le propos politique porté par le thème principal.
Son interprète, seule en scène avec divers personnages au bout du fil de son très symbolique téléphone rouge, nous réjouis avec sa fausse innocence.
L'héroïne elle-même est un cliché d'autrice ambitieuse et torturée. Elle vient de proposer à son éditrice un roman dont le héros, comme par hasard, se nomme Julien, mais l'éditrice, une parodie de parodie, probablement persuadée d'être elle même une sorte de Virginia Woolf, avec sa maison d'édition financée par son époux, se pique d'analyses plus ou moins blessantes et pousse notre héroïne dans ses retranchements. Emprise ou influence consentie, on ne saurait le dire, quoi qu'il en soit, elle semble se plier peu à peu aux critiques douteuses et caricaturales de son éditrice.
De nombreuses références littéraires peuvent amener à conseiller la pièce à un public d'initiés. Féministe. Bien sûr il est question de genre, bien sûr la langue est ouvragée, néanmoins il serait cuistre et bien dommage de ne pas recommander à tous cette pièce iconoclaste qui me semble contenir beaucoup d'autodérision salutaire.
On la comparera à de jeunes autrices au destin tragique et pourtant si je dois vraiment comparer la pièce et ses audaces, y compris le risque pris d'être mal interprété, c'est à un succès international que j'ai tendance à la comparer : Art, de Yasmina Reza. Art, fausse moquerie des amateurs d'art contemporain et véritable tour de force littéraire.
La scénographie judicieuse participe d'une esthétique chic et drôle à la fois puisque tout tourne autour d'une...baignoire ! Mais aussi du fameux téléphone rouge, ainsi que d'un col fraise assez formidable.
Le choix des morceaux de musique allié à la présence magnétique et décalée de la comédienne donnent parfois le frisson.
Pour conclure, je confesse un grand coup de cœur pour cette pièce, cette compagnie, cette autrice et cette comédienne et je pense que nous ne sommes pas au bout de nos surprises en suivant cette compagnie qui propose un théâtre contemporain hybride et inédit qui ouvre l'esprit, l'alimente et le réjouit.
Adeline AVRIL